Avr 192008
 

La nouvelle du vol a évidement fait le tour du village. On se lamente sur mon sort. Dois-je proposer une récompense pour faire revenir mon Palm qui contient quand même pas mal de données sensibles ? D’un autre côté, le modèle étant si ancien et le chargeur si spécifique, qu’au bout de deux heures la batterie à plat on en tirera pas grand chose. Et puis la police pourrait prendre ombrage d’une telle mise en concurrence. Je renonce au procédé qui enrichirait encore le voleur.
Les étrangers à qui je parle de ma mésaventure pensent tout de suite police corrompue, qui ne fera rien, etc. Comme si en France lorsqu’on perd porte-monnaie et téléphone portable on détachait un bataillon de policiers pour ratisser la ville !
Je suis de plus en plus frappé par les avalanches de jugement à l’emporte pièce. Un tel dit : «les musulmans ne nous respectent pas (nous les touristes) car ils gueulent leur prière à 5h du matin». Tous ceux qui viennent d’Alexandrie sont déçus. Les Egyptiens n’entretiennent pas leurs vieux quartiers, (sous-entendu « né-coloniaux »), quel scandale ! Comme si les Egyptiens n’avaient que ça à penser aujourd’hui. Il ne leur vient pas à l’idée que les centre-villes n’ont pas la même composition sociale que les nôtres (depuis peu d’ailleurs). Hors il y a longtemps que les classes moyennes égyptiennes ont préféré s’exiler en banlieue dans des pavillons très bien entretenus et que le foncier passé depuis 52 de mains en mains de moins en moins riches se dégrade. Que l’immobilier est à l’abandon parce que les propriétaires n’ont pas les moyens de les entretenir au prix des loyers populaires où ils sont loués. L’Etat égyptien peut-il financer une pompeuse rénovation de quartiers vaguement historiques alors que des millions de Cairotes vivent dans un habitat souvent insalubre ? Le présent n’a-t-il pas ses exigences ? Si des monuments et des quartiers ont été rénovés en Egypte c’est en grande partie grâce à l’aide internationale. Il faut à chaque fois rappeler la Belleville, la Goutte d’Or, le St-Jean ou la rue Mercière à Lyon, le centre-ville marseillais… est-ce si vieux ? Et la conjonction à la fois des pouvoirs publiques, des promoteurs immobiliers et de la société civile dans la valorisation du patrimoine. Comme si cette mise en paysage des centre-urbains était devenue une exigence universelle. Autre sujet de préoccupation de nos touristes tout à coup très accros aux réalités sociales : la démographie. Les Egyptiens se reproduiraient « comme des lapins » ce qui augmenterait leur malheur. Les chiffres démentent formellement de telles assertions. La transition démographique ici comme dans le reste du monde est largement entamée. De 5,7 dans les années 70 le taux de fertilité (en nb. d’enfants par femme) est passé à 3,3 dans les années 2000. Si c’est encore loin de la France (resp. 2,3 et 1,9), de la Chine (resp. 4,9 et 1,7), de l’Iran (6,4 et 2,1), de l’Algérie (7,4 et 2,5) ou de l’Indonésie (5,2 et 2,4), on constate que l’écart est saisissant en 30 ans(*). Quant à l’éducation, 85% des 15-24 ans savent lire et écrire (71% des plus de 15 ans à rapprocher de 47% en 1990). Il y a des sujets sur lesquels on ne peut laisser dire n’importe quoi.


(*) Chiffres 2004. Source : PNUD, Human Development Report 2006. Un document très riche disponible à tous sur Internet.


Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Faits et prétentions ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2008/04/faits-et-pretentions/>

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