Avr 262008
 

Alexandrie, Hôtel Crillon, Escalier (c) Yves Traynard 2008La lettre de l’ Observatoire Urbain du Caire Contemporain de fin 2003 contient également trois intéressants articles pour donner justement corps à une vision moins mythique de l’Egypte. Ils illustrent assez bien les recherches en sciences sociales(*).

L’habitat spontané à Alexandrie (**)
Etude d’un quartier d’Alexandrie en partie établi dans des tombeaux antiques. «Originaire essentiellement de la Haute-Égypte, cette population est estimée entre 4 500 et 5 500 personnes. Elle vit dans des conditions non misérables bien que précaires. Venue dans l’espoir d’améliorer son niveau de vie, elle s’est cantonnée dans cette zone sans réel lendemain.» Les auteurs nous invitent à sortir d’une vision misérabiliste de la pauvreté, reconnaître la qualité fonctionnelle des logements autant que leurs défauts, leur diversité, les rapports entre habitants, les espaces de sociabilité, avant de formuler des solutions. Préconisant une démarche participative, l’équipe propose une intégration de ce quartier à la ville, à ses services (transport, eau, sanitation, équipements sociaux) plutôt qu’un relogement ailleurs dans des HLM publics.

Les transports en commun à Alexandrie(***)
Cette ville méditerranéenne constitue un exemple intéressant car 80% des déplacements dans l’agglomération se font par les transports en commun. Charrette, calèche, tram, train, microbus, minibus, autobus, bus climatisés, taxis collectifs, limousine : l’auteur dresse un catalogue de la variété des modes de transports alexandrins et de leur usage.

La fin des chiffonniers du Caire(****)
Estimés à 150 000, les zabbâlîn étaient jusqu’en 2003 les éboueurs traditionnels du Caire. Ils vivaient de la collecte et de la récupération des ordures et non en permanence sur des décharges publiques comme on l’imagine trop souvent. Ce système bien rodé, fortement hiérarchisé et encadré n’avait donc rien d’« informel » comme les associations caritatives l’ont laissé entendre. Il rapportait en moyenne entre 70 et 100 euros par mois à une population principalement de Coptes sa’idis. L’auteur montre comment, porté par un mythe modernisateur, l’Etat égyptien préfère avoir recours à des sociétés étrangères de collecte d’ordure plutôt que de moderniser ce système traditionnel. Il serait intéressant de savoir ce que sont devenus les zabbâlîn en 2008 (l’article remonte à 2003, date de la signature des contrats).
«La transformation du système de traitement des ordures, consacrée par l’arrivée des entreprises étrangères au Caire, constitue une illustration de la politique économique de l’État égyptien dans un contexte général de libéralisation des échanges. Elle engendre une crise au sein du système traditionnel des zabbâlîn. Cette crise révèle les principaux ressorts des politiques publiques, dont un des principaux moteurs est cette volonté farouche de faire de l’Égypte un modèle pour les pays arabes, un État moderne. Ce pays est animé par un mythe modernisateur, et la décision nationale de modifier les systèmes de collecte des ordures en est l’archétype. Deux systèmes avec leurs valeurs et leurs références s’affrontent. Il en va de l’avenir du système artisanal face à cette globalisation, cette occidentalisation des pratiques.»


(*) Observatoire Urbain du Caire Contemporain. Lettre de l’OUCC n°5 décembre 2003 (hiver 2004). CEDEJ. Dossier Alexandrie. En ligne.
(**) L’habitat spontané à Alexandrie. Contribution aux institutions locales égyptiennes pour l’amélioration de l’habitat spontané. Khadine Bouzada – Mahfoud Elafri – Wahid Houadkia. TPFE 2003 – Ecole d’architecture de Marseille-Luminy.
(***) Les transports en commun à Alexandrie. Lars Gaiser. Université Erlangen – Nuremberg.
(****) Revue de presse : Les zabbâlîn face à l’arrivée des entreprises étrangères dans le grand Caire. Soazig Dollet. Institut d’études politique d’Aix-en-Provence.