Avr 282008
 
Les deux tiers de l’humanité vivent dans la pauvreté, à la limite de la famine, sans la moindre chance de voir leur situation évoluer. Dans le monde, 278 personnes possèdent une fortune égale à celle de la moitié de l’humanité. Nous ne parviendrons pas à changer ce rapport de force. La manipulation consiste à refouler le problème de la pauvreté dans le domaine de l’exotisme.
Ryszard Kapuscinski. Sur la recommandation de dame Alixe (au pays de Mireille et de Siwa).

Dans mon mémoire de master(*), je signalais que l’agriculture était la grande oubliée du développement au Mozambique. Le cas de ce pays est loin d’être singulier. Depuis plus de quinze ans un peu partout dans le monde, priorité est donnée dans un vaste mouvement de mondialisation libérale à l’Investissement direct étranger (IDE). Hélas attirer de belles usines clefs en main dans des pays démunis génère peu d’emploi local (en raison de la haute technicité), peu de revenus aux Etats (exonérations fiscales pour attirer l’investissement) et peu de redistribution (les bénéfices étant rapatriés à l’étranger).
Les émeutes de la faim jettent un sérieux discrédit à ce credo du tout libéral. Que les formes d’économie dirigiste aient démontré leur inefficacité soit. De là à croire que le tout libéral allait résoudre par magie les déséquilibres du monde, croire que les succès(?) de quelques pays émergents en matière commerciale allaient s’étendre à la planète il fallait être bien naïf. On s’aperçoit que livrer le monde à la loi exclusive du marché conduit inexorablement à creuser les inégalités entre pays qui ont quelque chose à échanger et ceux qui n’ont rien ; la dérégulation conduit au chaos les pays les plus faibles. La situation appelle à des réformes de fond, à une gouvernance économique mondiale, puissante, têtue, disposant d’un vrai projet pour la planète, pour réguler et orienter les marchés (financiers, des biens, des services, du travail…) dans le respect des êtres humains et de l’environnement pour que les pays les plus pauvres trouvent aussi leur place et ne soient pas écrasés par le nouveau dogme. Leurs agricultures locales doivent être non seulement protégées mais aussi renforcées car elles ne sont pas et pour longtemps compétitives(**). Il y hélas fort à parier que l’on préfèrera faire de la charité en urgence (sous forme d’aide alimentaire) plutôt que de s’attaquer aux racines du mal. C’est tellement plus valorisant (et payant) pour nos pays riches(***).


(*) Yves Traynard, Croissance et pauvreté, le paradoxe mozambicain, 2007. En ligne.
Extrait : « La croissance de l’agriculture : la grande oubliée
En effet c’est dans les zones rurales, on l’a vu, que se trouvent les « trappes à pauvreté » et à une large échelle puisque près de 80 % de la population vit de l’agriculture alors même que ce secteur ne compte que pour 1/5ème du PIB. Sa croissance actuelle est liée principalement à l’extension des terres cultivées et non à la productivité, la subsistance restant la préoccupation principale de la population. Pour que la croissance soit partagée par le plus grand nombre et durablement, un effort devrait donc être porté sur le secteur agricole en vue de le moderniser, de le rendre plus productif de manière à assurer l’augmentation des revenus et l’autosuffisance.
»
(**) cf. la démonstration par le coton. Marchés et filières.
(***) FMI-FAIM, Le Monde diplomatique. Mai 2008. analyse de Halimi.