Sep 272008
 

Grande affluence au festival des Globe-Trotters pour son 20e anniversaire(*). Dans les allées de l’Opéra de Massy on pouvait croiser les piliers de cette association plutôt familiale à laquelle j’ai collaboré il y a une dizaine d’années(**). Le festival n’a pas dérogé à sa formule. Les projections demeurent le temps fort de ces journées, les échanges se déroulant plutôt dans les forums et les stands-pays. Ces derniers – animés par des passionnés du voyage – semblent en perte de vitesse. La Toile supplanterait-elle le bouche à oreille pour l’échange de tuyaux ? C’est qu’en vingt ans le voyage d’aventure a fortement évolué. Des voyagistes ont investi le créneau, les vacances se vivent à d’autres rythmes, le low-cost, internet et la téléphonie mobile ont raccourci les distances, parler anglais fait (un peu) moins peur et les questions de solidarité, de durabilité ont envahi la com’ à défaut du champ réel du voyage(***).
Le festival – qui met surtout en valeur l’expérience de semi-pros de l’aventure et du reportage – est un bon baromètre pour mesurer l’évolution des centres d’intérêt du public. Si, comme à chaque édition, le festival livre son lot de Touaregs, de Mongols et de Népalais, archétypes de «l’authentique» dont est friand le voyageur individuel, se confirmait cette année des approches moins messianiques qu’«heureux les peuples premiers». On assistait au retour des villes où la moitié de la planète habite désormais, aux questions de société et non plus seulement de culture, au refus de l’enchantement à tout prix. Les premiers signes d’un retour du tourisme au Réel ? Ces nouvelles perceptions correspondent aussi à d’autres formes de mobilités : expatriation, long cours thématique, humanitaire. Quelques exemples représentatifs de ces tendances extraits du programme.

  • Du centre de Manille, Robert Tassinari ramenait un reportage tout simple sur un petit métier de conducteur de draisine artisanale qui n’avait rien de « traditionnel » (Rail Street, 6′),
  • Jean Zucchet osait montrer Dubaï,
  • le diaporama de Julie Sibony questionnait l’identité méditerranéenne quitte à reléguer cartes postales et monuments au second plan,
  • Le couple Deforge-Presselin donnait la parole aux Téhéranais pour tordre le coup aux idées reçues et illustrer la richesse des débats dans une société iranienne faussement uniforme,
  • Aurélie Mandon rapportait de Shanghaï non son regard sur la ville mais celui d’expatriés qu’elle a rencontrés,
  • Jean-Marc Fiton, fin connaisseur de Cuba, tentait de dépoussiérer l’image des Caraïbes.

A quoi doit-on ce renouveau ? L’air du temps, l’actualité plus sombre, l’impact des médias du Sud, du cinéma du Réel ? Un peu de tout ça sans doute. Pourtant demain matin sur France 3, pour parler du Mali, se sera encore et toujours Touaregs et Dogons ! Je n’ai rien contre ces populations, mais quand on connaît leur représentativité nationale(****) c’est un peu comme si pour évoquer la France à l’étranger on ne montrait systématiquement que les Basques et les Auvergnats. Je ne suis pas sûr, non seulement que les Français apprécieraient, mais que cette réduction ethnique soit d’une grande utilité pour la connaissance contemporaine de notre pays.


(*) 20e Festival des Globe-trotters. Opéra de Massy. 26, 27 et 28 septembre 2008. Mon billet sur la précédente édition.
(**) Numéro spécial Années 70 de Globe-Trotters magazine. Diaporama On the road again.
(***) Lors du débat « Voyages solidaires, équitables » Manuel Miroglio, co-organisateur du festival Partir Autrement, rappelait que ce type de séjour concernait au mieux 1% des voyages. Il signalait que le « Tourisme humanitaire »(voyagistes Double-sens, Planète-urgence…), qui fait grincer des dents les professionnels du secteur humanitaire, se développe hors des chartes et labels solidaires et dans une grande ambiguïté de vocabulaire.
(****) FR3, Grandeur nature. Quelques chiffres du Mali : Mande 50% (Bambara, Malinke, Soninke), Peul 17%, Voltaïque 12%, Songhaï 6%, Touaregs et Maures 10%, autres (dont Dogons) 5%