Sep 072008
 

S. Jean Chrysostome le rappelle vigoureusement : « Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs » (Laz. 1, 6 : PG 48, 992D).  » Il faut satisfaire d’abord aux exigences de la justice, de peur que l’on n’offre comme don de la charité ce qui est déjà dû en justice  » (AA 8)(*)

La BPI vient de mettre en ligne un débat autour de l’actualité de la mission(**). Trois invités, trois visions de la mission au XXIe s. A méditer.

  • Pour le pasteur ce qui pourrait fonder une mission aujourd’hui c’est la quête de l’Autre. Pas celle du touriste pressé mais celui du voyageur du XVIIe s. pénétré du noble désir de courir le monde, osant le temps long, l’apprentissage de la langue et des sociétés pour une vie consacrée à bâtir des passerelles entre les cultures.
  • Pour le laïc, le missionnaire est quelqu’un qui a le sentiment qu’il est dépositaire d’une vérité qui le dépasse, le transcende, une vérité de l’ordre du « sacré ». Sa dignité, son devoir c’est de la faire partager.
  • Rony Braumann, chargé d’éclairer le point de vue de l’humanitaire sur la mission est plus perplexe. Fidèle à son relativisme culturel, il voit dans la mission des ONG un prolongement du projet colonial. Tout particulièrement en matière de développement où dominerait la volonté de sortir le monde de l’enfance, de conduire les civilisations à nous ressembler. Au nom de quoi porter quelque chose qu’on a à quelqu’un qui ne l’a pas. Pourquoi nous semble-t-il bon qu’il l’ait ? Quelle est la bonne forme de société, la bonne organisation, valable en tout lieu ? interroge-t-il. Peinant à dégager des valeurs universelles c’est dans un fondement plus anthropologique que moral qu’il justifie l’action missionnaire : le partage d’un sentiment de vulnérabilité.

Sur ce même questionnement on lira avec intérêt le dossier Humanitaire : que reste-t-il de l’ingérence ? d’Alternatives Internationales de septembre(***).


(*) L’Amour des pauvres, Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 2446.
(**) Les Cahiers de médiologie à la Bpi : Missions, Vendredi 24 septembre 2004. Centre Pompidou. Enregistrement intégral, avec intermèdes musicaux et reportages (écouter à à 62mn un reportage sur les réfugiés du Nord-Vietnam par la Croix-Rouge, 1954.) .
Les missions sont aujourd’hui à nos portes. Si la figure du missionnaire barbu et bienveillant, façon Tintin au Congo, est à ranger au rayon des souvenirs de la mauvaise conscience occidentale, la dynamique de la mission, elle, est toujours à l’oeuvre. Sur tous les continents s’affairent aujourd’hui des ONG, désireuses à la fois de sauver les hommes et de moderniser les sociétés. À leurs côtés s’activent des missions évangéliques, souvent d’inspiration américaine, ainsi que des organisations qui se sont donné pour but de ramener les croyants à l’islam. Pendant ce temps, les missionnaires catholiques et protestants, forts d’une expérience séculaire, continuent, à bas bruit, à convertir les âmes et à soigner les corps. L’âge religieux des missions s’était ouvert avec les voyages de saint Paul. Un âge politique lui a succédé, qui s’est clôt sur l’héritage de la IIIème internationale. Le XXI e siècle inaugure un âge idéologique de la mission. Sous nos yeux des prédicateurs, des médecins et des défenseurs des droits de l’homme diffusent sur tous les continents leurs croyances et leurs modes de vie. D’actualité, l’esprit de mission ? Sans aucun doute.
Bibliographie : Cahiers de médiologie, n°17 Missions, Éditions, Fayard septembre 2004.
(***) Humanitaire : que reste-t-il de l’ingérence ? Alternatives Internationales – n°40 – Septembre 2008. Quelques repères complémentaireproposés par le journal :

  • Le droit d’ingérence est-il légitime ?, par François Rubio, Les Editions de l’Hèbe, Grolley (Suisse), 2007.
  • Droit humanitaire, par Mario Bettati, Le Seuil, Points Essais, 2000.
  • Dictionnaire pratique du droit humanitaire, par Françoise Bouchet-Saulnier, La Découverte, 2006.
  • Humanitaire, le dilemme, par Rony Brauman, entretien avec Philippe Petit, Textuel, 2007. [Fuir le sentimentalisme médiatique et l’autocélébration, redéfinir le statut de la victime, délimiter le champ d’intervention de l’humanitaire, refuser la récupération politique ou militaire. Mais savoir parler et penser en termes politiques. Dans cette conversation, Rony Brauman, président de Médecins sans frontières de 1982 à 1994, affronte les dilemmes de l’engagement humanitaire. C’est pour fonder l’humanitaire de demain qu’il propose ici une véritable morale de l’action. Dans une nouvelle préface, Rony Brauman interpelle : « Résister à l’enrôlement de l’humanitaire dans les rangs d’une « Croisade du Bien » ».]
  • L’intervention armée peut-elle être juste?, sous la direction de Jean-François Rioux, Fides, Montréal, 2007.
  • Ethique et politique de l’intervention humanitaire armée, par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Critique internationale, n ° 39, avril-juin 2008.
  • www.iciss.ca: le rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des Etats.