Nov 102006
 

Conformément à mon programme de visite «pour voir du Mozambique ce qui peut encore l’être» puisque les 6 mois ont passé sans guère de répit je suis parti ce matin pour Inhambane, à 500 km au nord de la capitale. Je profite au mieux de ce vendredi férié qui ne l’est qu’à Maputo puisque seule la capitale célèbre sa très coloniale fondation. Contrairement à beaucoup d’anciennes colonies le Mozambique a peu de complexe par rapport à son histoire(*). Au menu de mon escapade : architecture, paysages et plages paradisiaques, mais pas de baignade pour cause d’angine. A 5h30 je me rends en taxi au terminal Oliveiras pour être sûr d’avoir une place dans le bus de 6h30(**). Le terminal est en fait un dépôt crasseux avec plein de bus hors d’usage qui fournissent des pièces détachées. La billetterie en fer est digne d’une prison ! Oliveiras c’est pourtant ce que le pays offre de mieux pour les transports intérieurs après l’avion.
Malgré l’heure matinale et les fenêtres grandes ouvertes on transpire vite. Que votre novembre frileux – bientôt le mien – me semble irréel ! Par chance le zénith est un vrai zénith. Pour un couple d’heures le soleil est si vertical qu’il ne rentre plus mais liquéfie le plafond.
Lorsque je compare ce voyage en bus avec ceux réalisés dans d’autres pays ce qui me frappe c’est l’indifférence et l’absence de curiosité des Mozambicains. Lorsqu’on circule à l’étranger généralement on vous questionne. D’où êtes vous, qu’est-ce que vous faites, comment est votre pays ? Ici c’est le voyageur qui questionne et qui s’épuise vite. Les réponses sont polies mais ne suscitent pas l’échange. Difficile de savoir s’il s’agit de pudeur, d’individualisme, de peur, d’absence d’intérêt…
Je trouve plus de conversation auprès d’un vieux blanc Sud-africain de Durban qui revient pour la première fois au Mozambique depuis 1974. Il voulait retrouver l’atmosphère européenne du pays.
– Comment va l’Afrique du Sud ?
– Pas très bien. Tout fout le camp. Heureusement qu’il reste des Blancs pour faire tourner le pays. Regardez ici. Les Portugais partis tout c’est effondré.
– ???
– Tous les savoir-faire, la qualité de service. Regardez ce matin par exemple nous avons perdu un temps fou à embarquer. Quand enfin nous sommes partis nous avons passé un quart d’heure à faire le plein d’essence… et ce bus même pas propre… etc…
Oui il a raison le Blanc. Tout ça semble stupide, et on peut trouver des exemples de désorganisation par dizaines. Sans même en chercher les causes peut-on juger les progrès d’un pays pauvre à la seule aune de la qualité de service ? Ne vaut-il pas mieux regarder les défis relevés en matière d’éducation, de santé que de s’attacher à des critères occidentaux, caricaturaux, peut-être pas prioritaires à l’échelle d’une nation en convalescence. Du reste le Mozambique propret des années 70 ne concernait pratiquement que les Portugais.
L’interminable trajet (près de 10h) est à ce titre intéressant parce qu’il ouvre les yeux sur la réalité du Mozambique. «Notre pays s’arrête à Marracuene(***)» répètent non sans humour certains haut-fonctionnaires.
C’est vrai que sorti de la capitale le Mozambique est bien différent. La route principale du pays – une modeste deux voies – que nous empruntons ne traverse que des zones rurales. Seule Xai-Xai peut prétendre au rang de ville. Le reste ne sont que gros bourgs. Aucune industrie. Un paysage de dunes couvertes de cocotiers, de cajous, de bananiers, de manguiers et plein d’autres essences qui me sont inconnues. A l’ombre des arbres, entourées de palissades des cases en roseaux sont les fermettes de ce pays. Les chanceux qui vivent le long de cet axe écoulent leur production sur les bas-côtés : noix de cajou, miel, bois sec, charbon de bois, noix de coco, bananes, manioc, paniers tressés…
Et puis c’est Quissico. Sans prévenir. Deux lagons au pied des hautes dunes où se tient la ville et la route. Deux yeux immenses d’un bleu profond ourlés de sable blanc qui vous regardent. Envoûtement, vertige, envie de se poser là, de contempler mais déjà la route vous emmène, fermettes, palmiers, lagons, travaux… jusqu’à Inhambane.
Il est déjà 16h. Le temps de poser son sac et de se rafraîchir à la Pension Pachiça(****) il est l’heure d’admirer le coucher de soleil sur la baie.
—-
(*) Les raisons sont multiples et mériteraient un article entier. Citons la présence de «pieds-noirs» influents dans la sphère intellectuelle…, le mode de décolonisation aussi, le legs du christianisme…
(**) Oliveiras : tél. Maputo : (21) 40 54 46. Maputo – Inhambane A/S 10 usd. Compter 8-10h selon l’état des routes. Départ à 6h30 du dépôt Oliveiras, dans le prolongement de l’avenue du 24 de Julho. Après la place 16 de Junho, face à la station d’essence. Non balisé.
(***) Marracuene est une localité à 30 km au nord de Maputo.
(****) Pension Pachiça : 10 usd le lit en dortoir exigu, 40 usd la chambre privée.


Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « En bus pour Inhambane ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2006/11/en-bus-pour-inhambane/>

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