Juil 172007
 

Singapour, S'pore Discovery Center (c) Yves Traynard 2007Journée de départs successifs de mes amis voyageurs rencontrés à la Crowd Inn. Roberto est rentré à Manille, Oceane à Nice et Lee prend le chemin de New-York via la vieille Europe. Dernier à partir, je me laisse gagner par la mélancolie. Pas trop longtemps. La visite au présent de Singapour exige une étape au S’pore Discovery Center avant de m’envoler ce soir pour Paris.
Le SDC(*) est un musée totalement original qui met en scène Singapour. Un musée où se rendent plus volontiers les scolaires que les touristes de passage à Singapour. Il est d’ailleurs largement excentré, à l’ouest de l’île. L’opportunité de vérifier la qualité des transports en commun : une armature de lignes de métros rapides et efficaces prolongée par des bus pour desservir les moindres recoins de l’île.
Le musée se divise en trois parties. Les étapes du passé récent sont symbolisées par des éléments : Fire (50s-60s) l’heure du nationalisme ; Earth (70s-80s) – La construction de la nation singapourienne (logement, sécurité, économie) ; Wind (80s-00s) l’internationalisation du capitalisme singapourien avec le développement du commerce international, de la finance, de la créativité. « The world our market place Singapour our home » nous dit-on.
Une façon de rappeler que Singapour s’est développée malgré de lourds handicaps : un territoire exigu, pas de ressources naturelles, une population hétérogène composée de Chinois, Malais et Indiens.
Pour le présent le SDC a choisi de donner la parole à des Singapouriens. La diversité, le Singlish, le Merlion. Le présent c’est la cohésion raciale, la méritocratie, la préservation des cultures, et la sécurité. Ce dernier thème est abordé sans complexe autour d’un film à 180° interdit aux enfants et aux femmes enceinte. Une reconstitution traumatisante d’un attentat destiné non pas à décourager les terroristes mais à favoriser la vigilance, voire la dénonciation de toute attitude suspecte. Est-ce efficace ? En tout cas Singapour, contrairement à ses voisins, n’a pour l’instant pas été touché par le terrorisme. La plaque tournante du commerce mondiale sait ce qu’elle aurait à perdre si son image était ternie.
Chacun est invité à dessiner le futur de Singapour au moyen d’un jeu collectif tandis que plusieurs attractions sont destinés à développer l’esprit d’entreprise.

Pour terminer je visionne un film dans une sorte de cinéma façon Géode, sur… le Tour de France et la capacité de l’être humain à surmonter la souffrance. Toujours cette volonté de valoriser l’effort. Dommage que les derniers tours contredisent, avec le dopage, cette belle image.

Est-ce l’effet de cette propagande moderne proposée au musée ? En quittant cette Asie du Sud-Est je suis sous le charme de l’île au Merlion, de l’intelligence développée par ses dirigeants, du travail de son peuple(**). Ce n’est certes pas un modèle définitif et universel mais les actions dirigistes mises en oeuvre par son gouvernement sont autant de réponses originales aux mêmes questions que nous nous posons : environnement, logement, racisme, occupation de l’espace, immigration, citoyenneté, circulation, gouvernance, rôle de l’Etat, corruption,… Observateurs et touristes rabâchent volontiers que tout cela s’est fait au détriment des libertés individuelles. Pour moi, cette critique doit être nuancée. En quoi le fait de payer une amende de 1000 euros pour un chewing-gum jeté par terre est-il une entrave à ma liberté ? La gestion rigoureuse du parc immobilier, qui interdit aux plus fortunés de s’accaparer les rares espaces verts ou de former un ghetto communautaire est-il liberticide ou une mesure intelligente ? Itou les lourdes taxes à l’importation des véhicules(***) alors qu’il existe un réseau de transport en commun fiable et bien entretenu ? Il est singulier de constater que ce bout de terre aurait très bien pu finir comme Jakarta, surpeuplé, insalubre, rongé par la corruption. Qu’on se dise que tout ça ne doit rien au miracle comme on le dit un peu facilement mais à la volonté. L’héritage britannique aurait pu être dilapidé à l’indépendance.

Retour à Paris en Airbus avec la satisfaction de contribuer à améliorer notre balance commerciale. Cet automne les premiers A380 livrés voleront aux couleurs de Singapore Airlines. La compagnie, classée première dans tous les sondages pour sa qualité, se doit de rester à la pointe. Elle a d’ailleurs commandé également vingt 787 le nouveau modèle de Boeing, le fameux Dreamliner qui promet 20% d’économie de carburant. Hong Kong Airlines ne pouvait pas rester sans réagir. Elle a commandé 51 Airbus en juin lors du Salon du Bourget tandis que Mandala Air (compagnie indonésienne) commandait 25 A 320.(****). Sur ce marché aéronautique asiatique en pleine croissance où seuls deux constructeurs se partagent l’essentiel du marché, les regards sont tournés vers la Chine depuis qu’EADS a accepté, pour consolider sa position en Asie, de réaliser l’assemblage d’avions en Chine initiant un transfert de technologie jugé dangereux. Avec un tel marché intérieur, quoi qu’on fasse la Chine produira tôt ou tard ses propres avions.


(*) S’pore Discovery Center. Un site très complet qui illustre bien les « expériences » présentées au musée.
(**) Visit Singapore
(***) Voir ExpatSingapore
(****) Source Bali Times pp. 13, 22 juin 2007.