Nov 262009
 
En faisant provision de dépliants touristiques chinois en France, j’avais fait l’amer constat de l’indigence de la traduction chinoise. La splendeur formelle des plaquettes (quadrichromie parfaite, formats généreux, papier glacé) contrastait bruyamment avec la piètre qualité des textes (et des photos). Même sans rien connaître au processus d’élaboration de ces documents, j’avais pressenti les multiples étages de traduction, du chinois vers l’anglais puis vers le français, l’empreinte des traducteurs automatiques, des anglicismes, les défauts de typographie, et l’absence évidente de relecture par un correcteur francophone. Sans compter la difficulté à s’adresser à un public français qui a des goûts différents.
Et puis voilà qu’il m’est donné de collaborer à… la traduction d’un livre chinois. Par curiosité toute méthodologique, j’accepte volontiers ce job qui va me permettre de cerner le processus de traduction. Je suis surtout très curieux de ce que l’on attend de ma contribution alors que je ne connais que trois mots de chinois !
Dans un premier temps, un traducteur chinois, enseignant de français, propose une traduction du texte. Ce premier jet est ensuite mis en page et confié à un correcteur de langue maternelle française (moi en l’occurrence) sans aucune connaissance du chinois avec pour seule mission non seulement d’effectuer le travail de correction classique (orthographe, grammaire, typographie, style) mais de tourner le texte pour qu’il perde sa sinicité (s’il m’est permis ce terme). Autant dire mission quasi-impossible puisque vous n’avez pas accès à la source et que la traduction initiale se révèle souvent ambiguë. Rajouter un vocabulaire spécifique (ici les arts graphiques) et rajoutez derrière une armée d’opérateur(-trice) de traitement de texte qui saisit les corrections aux kilomètres sans aucune sensibilité à la langue cible… et vous arrivez au résultat que j’évoquais en introduction.
J’ai quand même fait de mon mieux, avec pour seul guide que le lecteur français comprenne le texte qu’il lit, et tant pis s’il s’écarte parfois de la pensée de son auteur, parfois difficile à reconstituer à partir du premier jet de traduction.
Fatalité chinoise ? Sans doute pas. La Chine s’ouvre et découvre qu’il existe des langues qui ont d’autres exigences que la chinoise. Ce qui est étonnant c’est que ce pays ne devrait d’ailleurs pas être totalement novice, puisque que l’on retrouve sur les billets de banque chinois trace de quatre autres langues nationales : le mongol, le tibétain, le ouïghour et le zhuang.
Mais faudrait-il encore que ce type de métier soit réellement considéré comme tel, et non, comme la plupart des services chinois, comme secondaire, l’essentiel étant de produire du volume(*). Il y aurait alors place pour des sociétés sérieuses qui pourraient au passage employer certains de mes étudiants. Avis aux entrepreneurs.

(*) Lire à ce propos les conseils amicaux aux éditeurs chinois qui veulent conquérir le marché international du livre de Paul Richardson.
« I think the fundamental problem is that Chinese publishers continue to produce the books that they want to produce for Chinese readers and hope that some of them might appeal to international audiences. This approach will not work. Chinese publishers have to think about what Western audiences want and how they can fulfill these needs in terms of subject, content, presentation etc. This requires training. So too do Chinese publishers need training in how to present their materials to international publishing partners, how to do business at book fairs etc. They are still not very good at this, for understandable reasons. »

Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Correction d’épreuve ou épreuve de correction ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2009/11/ok-correction-depreuve-ou-epreuve-de-correction/>

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