Août 242009
 
Dans La vie en jaune(*), Marc Boulet, part en guerre contre les imbésinités, ces bêtises, inexactitudes, fabulations rapportées à propos de la Chine par les médias occidentaux. Non pour blanchir le régime en place, mais pour distinguer la part de racisme tristement ordinaire dont sont l’objet les Chinois des réalités sociales, économiques, culturelles, politiques, individuelles.
Dans cette entreprise, notre reporter n’hésite pas à voyager du Guanxi à la frontière mongole, de Canton à Pékin et même à se métamorphoser un temps en Ouïghour. Adepte du genre il avait publié un Dans la peau d’un Chinois en 1988 et Dans la peau d’un intouchable six ans plus tard.
Il s’en prend ainsi au manque de rigueur de l’émission de Daniel Mermet sur le CITNAC, le centre de transplantation d’organe de Shenyang, à la fausse opposition entre ouest (pauvre) et est (riche), révèle que la Mongolie intérieure est la province la plus dynamique économiquement de Chine et dénonce la réputation de pollueurs faite aux Chinois, qui dans leur immense majorité roulent à vélo et ont un niveau de vie très bas.
Ce qui rend crédible son discours c’est, outre sa maîtrise du mandarin, les incursions chez sa belle-famille chinoise. Car ce voyage entrepris en famille, avec épouse et enfants, est un regard intérieur porté sur la société chinoise, doté d’une culture certes différente de la notre mais dont les ressorts sont bien humains, avec braves gens, médiocres et salopards. Son mérite est de se glisser dans l’intimité pour écouter des petites gens du vieux Pékin ou des Trois-Gorges qui ne sont pas contre un relogement équitable dans un bel immeuble moderne, des cadres partagés entre rêves de jeunesse et allégeance au parti, un entrepreneur, un papi qui malgré une retraite honnête continue à récupérer les plastiques des poubelles, de gens qui bossent durs pour quelques yuans par jour.
Au terme de son voyage les Chinois apparaissent plus les victimes que les coupables de leur croissance économique, dont les fruits, gaspillés en corruption, semblent à Marc Boulet(**) bien mal répartis et dont le « crime » profite aussi à l’Occident. Ce qui vaut quelques coups de gueule de l’auteur contre le barrage des Trois-Gorges, la corruption, les inégalités, la destruction de Pékin, dont il rappelle au passage, qu’elle n’a pas commencé avec les JO comme on voudrait nous le faire croire, mais en 49. Un livre attachant à rapprocher de Bon chat chinois prend la souris d’Eric Meyer, petite chronique enjouée de la vie ordinaire en Chine contemporaine(***).

(*) Marc Boulet, La vie en Jaune – L’usage de la Chine, Denoël, Paris, 2008.
(**) voir aussi le blog de Marc Boulet et sa courte interview sur France info.
(***) Eric Meyer, Bon chat chinois prend la souris, Seuil, Paris, 2008.