Je quitte Wenzhou sans avoir compris grand-chose de ce qui fait la spécificité de cette ville et de sa population. Il aurait fallu se documenter, prendre des contacts avant, bref préparer cette visite. Et 48 heures sur place, c’est bien court. Enfin, ma légitimité ici est questionnable ? Je n’ai aucun mandat. Je ne suis ni commerçant, ni chercheur, ni journaliste, je n’y ai ni famille, ni amis ; je n’intéresse personne.
Lorsqu’on est touriste, l’affaire est différente. On vous reçoit pour ce que vous venez chercher : du sable, du soleil, des sites dûment labellisés. Tout est d’une simplicité déconcertante. Hôtel, restaurant, transport, vous n’avez qu’à vous laisser guider. Tout est organisé, traduit, interprété, rapporté à votre culture. On vous attend. Le programme est fixé par avance, à votre insu.
Par contre, allez en terre wenzhou, demandez à voir les célèbres usines de chaussures, le port, les implantations de la communauté à travers le monde, essayez de croiser des traces de Belleville, de vous faire expliquer des rudiments du dialecte, là nada, débrouillez-vous et en chinois, svp.
Pour me réconforter de cet échec, il faut bien le dire programmé, de cette frustration, la météo a fait un geste. Le soleil revenu, j’ai pu admirer les quais, et au loin les montagnes qui encadrent Wenzhou.
La ville se déploie densément sur les deux rives du Ou, large et boueux, mais préserve les belles pentes abruptes et boisées.
Au moins aurais-je vu le décor, à défaut de comprendre le théâtre qui s’y joue.
Autre satisfaction de touriste, j’ai pu assister au moment où je prenais mes bagages pour sauter dans un taxi, à la danse des dragons jaune et rouge, qui me semble plus célèbre à Belleville qu’en Chine ! Fanfare, majorettes, grand autel avec offrandes, encens et bougie, pétard, la procession se poursuit vite fait, bien fait, de commerce en commerce. La ‘cérémonie’ n’attire que quelques badauds qui prennent trois photos avec leur portable.
Pour monter au mont Huangshan, ma prochaine destination, rien de plus simple. Deux bus par jour font la navette depuis la gare routière de l’ouest(*). L’autoroute gagne Qinzhou en remontant le fleuve. L’encaissement de la vallée est telle que la belle quatre voies est posée sur pilotis au-dessus du fleuve ou franchit les collines par plusieurs dizaines de tunnels. Autoroute, rail, métro, aéroport, ponts, barrages, les Chinois sont devenus les rois du génie civil.
A Huangshan shi, la température a chuté(**). Je me demande si cette étape est bien judicieuse. Nous aviserons demain. Au moins, même hors saison, suis-je en terre touristique !
(*) gare routière de Shuang Yu (双屿). Wenzhou-Huangshan, 180¥, 2 bus par jour : 9h30 et 16h. 4 h pour Quzhou plus 2h pour Tunxi.
(**) Il règne une certaine confusion dans les toponymes.
Le mont Huangshan (litt. mont Jaune) est un massif montagneux au sud de la province du Anhui (sud-est de la Chine).
Huangshan shi ou Tunxi, est la grande ville la plus proche du mont Huangshan (1 h de route). Elle dispose d’un aéroport, d’une gare ferroviaire baptisée Huangshan.
Une petite ville Huangshan existe qui sert de point d’entrée au nord du mont, mais l’accès principal se fait par la ville de Tangkou, au sud du massif.
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Où Wenzhou reste une énigme ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2011/02/ou-wenzhou-reste-une-enigme/>