Fév 142011
 


Xidi fait partie de ces villages irrévocablement convertis au tourisme intérieur. Une telle conversion semble possible dès lors qu’un pays a atteint une masse critique de classe moyenne, disposant d’un excédent de revenu à consacrer aux loisirs. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi que la population éprouve de l’appétit pour un tourisme rural, que la vie, le passé des campagnes constituent à ses yeux une valeur et non un repoussoir, que les infrastructures et les opérateurs précèdent et renforcent ce désir. Cela ne va donc pas de soi. En Afrique, comme en Asie, on ne se bouscule pas à la ferme. Les touristes au village sont soit des membres de la famille en visite, soit des étrangers. Autre exemple dans ces mêmes contrées, la randonnée n’est pratiquée que de manière confidentielle.

En Chine, ce tourisme se développe très modérément. La ville continue d’attirer les ruraux comme un aimant, et le précédent « retour à la terre » (la Révolution culturelle) n’a pas vraiment laissé de bons souvenirs aux citadins. La mode n’est donc pas à la résidence secondaire. La législation non plus.
Mais certains villages, au fort patrimoine architectural, sont aujourd’hui des destinations courues. Au Yunnan, au Fujian, ou ici dans le Anhui par exemple. Autour de Huangshan, plusieurs villages ont été restaurés. A Xidi où j’étais ce matin, cohabitent anciennes fermes en activité et résidences discrètement restaurées ouvertes à la visite tout en servant de boutique de souvenirs.

Comme partout, intéressés ou non à l’affaire, les habitants pris dans la mise en tourisme de leur village, n’ont guère que le choix de s’adapter et de devenir les figurants du spectacle de leur vie, composant avec l’immixtion de touristes dans leur vie quotidienne, personnages plus ou moins consentants de scènes de genre abondemment photographiés. D’un genre pas si original que ça, Certaines de nos photos de voyageurs ressemblent furieusement à de vieux clichés coloniaux sépias.
Conservatoire d’un passé qui file inexorablement, lutte pour une immortalité collective ? Cette invention humaine qu’est le tourisme m’interroge toujours par son étrangeté. Elle a beaucoup à raconter sur l’état de nos sociétés.

Pour des raisons économiques, on arrive à concevoir des stratagèmes étonnants pour isoler les authentiques habitants des non moins authentiques touristes. Le village de Xidi ne pouvant être clos sans nuire aux activités agricoles, c’est le parking à l’entrée du village qui sert d’entonnoir pour canaliser les touristes et les obliger à s’acquitter du droit d’entrée.

Au repas aujourd’hui, mon hors-d’œuvre préféré, lamelles de tofou fumé sautées aux jeunes branches de céleri assaisonnées à l’ail et au sel. Mais ce n’est pour moi qu’un « hors d’œuvre », notion bien peu chinoise du reste. En « plat principal » : boulettes de poissons frites, servies dans un bouillon de rubans de blé, blettes chinoises et champignons frais. Après ces journées bien chargées à lutter contre le froid, pas un grain de riz au fond de l’assiette.


(*) Tunxi gare routière . Yixian 12.50¥. Minibus Yixian-Xidi 3¥ à 5¥ maxi. Entrée du site 80¥.
(**) restaurant citadins (Huizhou Cuisine), près de laojie. Grand choix en vitrine, voir carte.

Location:Xidi, Anhui, China


Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « L’Anhui des temps ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2011/02/lanhui-des-temps/>

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