Oct 012008
 

Crise financière, crise économique, le poste des voyages risque fort de faire les frais de la récession. Face à la menace, Ecotour(*) voyagiste tendance hard-discount veut jouer les Leclerc du tourisme. Sur son site, d’un tag rageur, il lance la révolte : « Défendons notre pouvoir de voyager« . Exit le droit au voyage trop mou de Marmara inspiré du droit aux vacances défendu par certains partis, syndicats et ONG puisqu’en France n’existe officiellement qu’un droit aux congés. Place au pouvoir de voyager donc qui serait menacé par l’argent. Un clin d’œil trivial au pouvoir d’achat, mais qu’on peut lire autrement. Car pouvoir et tourisme sont intimement mêlés.

  • Pouvoir voyager c’est bien sûr une « possibilité », un choix, qui dépend de notre envie et des moyens dont on dispose.
  • Mais le voyage est loin de dépendre seulement de notre argent. C’est aussi le pouvoir d’être reçu. D’être persona grata dans le pays d’acceuil. Si on peut s’envoler en Tunisie sans même un passeport où est la réciprocité ? Obtenir un visa de tourisme pour un Tunisien aujourd’hui relève du parcours de combattant. Samedi, au festival ABM un représentant d’Allibert signalait combien il était difficile pour ce voyagiste de réunir en France ses guides et correspondants locaux ne serait-ce que le temps d’une formation.
  • Le tourisme c’est aussi le pouvoir de transformer des paysages, des littoraux, des infrastructures, de détourner des ressources naturelles au profit exclusif d’une population de voyageur. C’est aussi la dépendance qu’exerce cette « manne » fragile sur l’Etat réceptif.
  • C’est aussi le pouvoir d’altérer substantiellement les cultures, l’image d’un territoire. Un pouvoir d’occupation symbolique de l’espace. Dans ce sens on notera l’usage d’un vocabulaire volontiers guerrier pour qualifier le tourisme de masse : cohorte, invasion, colonie…
  • Le tourisme est aussi l’arme des « opposants » de tout poil qui utilisent l’attentat pour ébranler les pouvoirs locaux (Egypte, Mauritanie).
Voilà quelque-unes des raisons qui font dire à Jean-Michel Hoerner dans un récent ouvrage (**) que le tourisme relève bien du géopolitique défini comme enjeux de pouvoir sur des territoires. Un pouvoir qui dépasse largement l’épaisseur de notre portefeuille et dont on devrait avoir plus grande conscience.

Je vous livre un autre slogan à votre réflexion, celui de Taddart

Vivre le pays, c’est…
Vivre avec l’habitant, Vivre ses traditions


(*) Ecotour – à ne pas confondre avec Ecotours, tourisme équitable et solidaire en Amérique Latine – propose de nombreux séjours discount à l’étranger sur des destinations classiques (bassin méditerranéen, République dominicaine…)
(**) Géopolitque du tourisme, Jean-Michel Hoerner, Armand Collin, 2008. En conclusion l’auteur indique que «les migrations détournées de simples loisirs pour inspirer des politiques de développement dans le Sud, redonneraient aux touristes internationaux une vocation plus humaniste. » Voir aussi
Géopolitique du tourisme, Hérodote. Revue de géographie et de géopolitique n°127, 2007.
– Saskia Cousin, « Le tourisme, nouvel enjeu du choc des civilisations ?« , EspacesTemps.net, 8 mai 2008.