Juin 032008
 

Le magazine en ligne Magénération a publié un article Tourisme « réalité » ? On croit rêver ! qui m’a particulièrement agacé. Je me suis donc fendu d’une réponse.

La critique de ce type de tourisme (que vous ne définissez pas d’ailleurs) est devenu une habitude et visiblement vous cédez à la facilité. Il faut faire attention aux amalgames. Quel rapport entre Tchernobyl et une favela ?
Le tourisme qui renvoie l’Autre uniquement à son folklore me semble autrement plus préjudiciable. Au Maroc, danse du ventre, balades à dos de chameau et plaisanteries éculées sur le harem ont-elles le moindre sens ? Qui ose aller dans les banlieues de Casa qu’elles soient riches ou déshéritées pour essayer de comprendre la réalité marocaine (celle de l’exode rurale, d’une société en profonde mutation comme le sont toutes les sociétés du Sud…). Combien de fois entend-on les touristes (et leur guide) invoquer la fatalité pour toute réponse à des sujets qui ont pourtant – en creusant un minimum – leur propre logique sociale, politique ? On peut passer un mois en Egypte à ânonner la liste des pharaons sans un regard sur la population contemporaine. L’indifférence n’est-elle pas l’injure suprême au moment même où les slogans marketing de nos catalogue de voyage promettent « la rencontre de l’Autre » ?
Alors que certains s’essaient à autre chose, en tâtonnant certes, me semble une excellente initiative et il convient de l’encourager. Continuons à tourner le dos aux réalités contemporaines à renvoyer la pauvreté à l’exotisme, à ignorer le mécanismes économiques, environnementaux, en se complaisant dans l’artisanat et le folklore « authentiques »… on aura voyagé pour rien. Comme disait Simone de Beauvoir d’un voyage dans l’Espagne qui virait au franquisme « Nous étions-là et nous n’avions rien vu ».
Cette levée de bouclier systématique et facile de la presse sur ce sujet du tourisme-réalité me fait penser que certains craignent de voir les touristes empiéter sur leur plates-bandes et leur demander un jour des comptes sur leurs piètres performances informationnelles !
Il y a longtemps que l’on a fait le tour de la terre. Les touristes ne sont plus des explorateurs aujourd’hui mais des citoyens du monde, des témoins. La seule découverte qui nous reste c’est celle du monde contemporain. Une nécessité à l’heure où les questions importantes dépassent largement les frontières des Etats (réchauffement climatique, faim, finance, paix…). Je ne vois pas pourquoi le tourisme ne serait pas cet espace de confrontation au monde, un temps d’interrogation et de connaissance qui nous fait tant défaut.


(*) Tourisme « réalité » ? On croit rêver ! Magénération, 8 mai 2008.