Août 192006
 

Supposez que votre voisin, agacé de votre comportement, entre chez vous, défonce la porte, casse tout ce qu’il trouve, assassine des membres de votre famille avant de s’en retourner paisiblement à son domicile revendiquant fièrement son expédition punitive tout en annexant au passage une partie de votre jardin. Que se passerait-il ?
Dans tout Etat de droit, une enquête serait immédiatement diligentée, le voisin arrêté puis jugé. Il serait condamné au civil à verser réparation pour le préjudice matériel et moral, et au pénal à quelques années de prison pour lui passer l’envie de recommencer. Ce qui ne serait que justice quels que soient les griefs entre les deux voisins. L’affaire servirait d’exemple et le coupable se trouverait hors d’état de nuire au moins pour un temps.
Appliqué aux rapports entre Etats rien de tout ça. Israël peut débouler au Liban, détruire les infrastructures de son voisin désarmé, s’en retourner chez lui triomphant et même garder un pied sur place. Aucune poursuite ni sur le plan pénal ni sur le plan civil. Rien. Qui va payer les dégâts ? – La « communauté internationale ». Il y a fort à parier que l’argent remis au Liban (les dégats s’élèvent à plusieurs milliards d’euros) sera prélevé sur l’aide internationale et viendra grever discrètement par le jeu des vases communicants les budgets de projets humanitaires et de développement d’autres régions du monde qui en ont cruellement besoin. Ainsi cette action militaire d’Israël non seulement touche durement les Libanais mais punira à l’autre bout du monde d’autres populations qui en paieront les pots cassés.
A regarder de près, les gagnants économiques de l’affaire seront certainement quelques puissants groupes de BTP, les affairistes du pays du Cèdre, leurs intermédiaires. Les miettes iront aux ouvriers syriens qui viendront comme chaque fois fournir la main-d’œuvre méprisée des chantiers de reconstruction libanais.
Les institutions jouent une nouvelle fois la pantomime, faute d’un véritable droit international. Les Etats forts n’ont nul intérêt à instaurer des mécanismes qui limiteraient leur autonomie. Et comme ce sont eux qui règnent sur les institutions internationales il y a peu de chance que ça change sans pression de leurs opinions publiques.
Cette faiblesse du droit apparaît également lorsque les Nations-Unies lèvent une force d’interposition. Là encore, un temps précieux est perdu pour mendier des contingents auprès des Etats alors que cette force devrait être disponible, indépendante et respectée. Il y a encore du chemin pour que se mette en place une digne justice terrestre !