Fév 022012
 

Le froid est vif sur les pentes de Belleville. Même l’eau des poules du jardin Luquet a gelé. Leur fragile poulailler laisse imaginer ce que devait être l’hiver dans les maisons et les ateliers construits à la va-vite, piètrement isolés, mal chauffés, plantés à flanc de colline durant le 19e s. et une bonne partie du 20e.
Nombreux s’étonnent aujourd’hui des témoignages enthousiastes des habitants du quartier lorsqu’ils emménagèrent dans de « vulgaires » HLM(*), tant la dimension sociale du logement collectif l’a emporté dans le débat sur sa fonction première qui était l’accès pour tous à un logement digne. A l’issue de la seconde guerre mondiale, la priorité n’était pas de préserver l’authenticité d’un soit-disant « village bellevillois » mais bien de bénéficier, ici et maintenant, de la modernité, qui avait pour attributs, l’eau courante sur l’évier, la salle de bain et des toilettes dans l’appartement, une chambre pour les enfants, des murs sains. Un progrès arraché de haute lutte où se sont illustrés entre autres l’Abbé Pierre et le Parti communiste. La généreuse idée du logement sain pour tous était doublée d’un projet de vie collective(**). Elle a fini par être pervertie par sa réplication massive en banlieue pour absorber l’exode des ruraux et des migrants avant que la marginalisation consécutive à la montée du chômage finisse par faire des nouveaux territoires urbanisés un repoussoir. La belle utopie a viré au poulailler.


(*) Lire les témoignages de Bellevillois dans le fascicule consacré à l’ensemble Botha, premiers logements sociaux construits après-guerre à Belleville (livret disponible au Centre social Archipelia, rue des Envierges).
(**) Cité radieuse de Le Corbusier et son influence dans la conception de l’immeuble de la rue de Borrego.