Juin 212010
 

Paris, Rue de Belleville (c) Yves Traynard 2010

Ce matin, Belleville se réveille avec la gueule de bois. Comme si les violences de la veille la dépassait. Trop improbables. Alors on s’agite, vite, trop vite sans garder raison, on sur-réagit. On questionne aussi. Moi-même, je ressasse ce qui m’a choqué hier.
— la faible visibilité sur le collectif d’organisateurs, quelques noms d’individus lâchés par la presse, aucun nom d’association, au point que Hui Ji a été obligé de démentir sur son site être l’organisateur de la manifestation(*)

— la violence généralisée de la parole des manifestants, stigmatisante et très globalisante sur les Noirs et les Arabes, et cela, malgré les mots d’ordre des organisateurs,
— et surtout plusieurs quasi-lynchages ciblés lors de l’échauffourée.

J’ai été témoin de l’acharnement sur un Noir très courtois, venu une heure plus tard récupérer sa voiture que les manifestants avaient renversée et sérieusement endommagée. Après avoir eu l’outrecuidance de demander très poliment pourquoi on s’en était pris à son véhicule, il s’est ramassé une bordée d’injures racistes et il a fallu que l’on intervienne à plusieurs pour qu’il ne ramasse des coups. D’autres témoignages et photos (dont le tabassage d’un jeune noir) publiées sur le75020.fr confirment cette ambiance délétère.

Il me semblerait utile, pour éviter de futures dérives qui pourraient enclencher une escalade de règlements de compte communautaires, que les Chinois sortent de leur igloo. Sans nier qu’il y ait une délinquance spécifique ciblée contre les Asiatiques, il faut rappeler que le Café social tout proche, destiné principalement à des migrants maghrébins retraités a été cambriolé 9 fois, et cette année braqué en pleine journée(**). Rappeler aussi, que lors du dernier Conseil de quartier de Belleville il y a deux semaines, des habitants ont rapporté leur agression en plein jour dans ce même quartier et l’indifférence de la police. Ils n’étaient pourtant pas Chinois.

Positivons. Que plus de 10 000 Chinois manifestent calmement pour réclamer une meilleure sécurité est un bon signe. Les Chinois de France se voient souvent reprochés de ne pas participer à la vie politique française. Les débordements sont marginaux et souvent inévitables lors de manifestations, et probablement l’expression d’un réel ras-le-bol. Il est un peu prématuré d’évoquer une « guerre inter-ethnique » même pour en dénoncer le fondement comme le fait la Maire du XXe arrondissement(***). Ces évènements ne devraient pas décourager, mais au contraire pousser au dialogue. Il va falloir s’atteler à un travail de rapprochement entre des représentants des Chinois de Belleville, les autres acteurs du quartier et la Police, pour expliquer que, pour sortir de cette violence qui fait le lit des extrémismes, il faut combattre la délinquance de quelques bandes, par des moyens renforcés, adaptés et raisonnables.

(*) Communiqué de Hui Ji – le 19 juin 2010
(**) Au Café social de Belleville, dix vols qui passent mal, Libération, 1er mars 2010.
(***) France 3 : 19-20 Paris ile-de-France du 21/06/2010 (reportage à 8’17 » suivi de l’interview de la Maire du XXe arrondissement)