Oct 102006
 

Merci pour ton carnet de voyage «Kurdistan turc». Je l’ai dévoré après l’Iftar comme il convient. Ta noria de souvenirs est un peu la mienne ; si les visages et les voix sont autres, les lieux, les parfums, les impressions se ressemblent. Mardin, Urfa, Hassankeyf, Diyarbakir… tu m’as replongé avec délice dans ces villes recluses loin des épicentres d’Istanbul, Bagdad, Damas, Jérusalem et Téhéran. Un monde sévère comme ton métropolite jacobite, têtu comme le brouillard à Tatvan, aussi abrupt que les sombres remparts de Diyarbakir. Fierté mais aussi mystère. Cet immense domaine kurde plonge ses racines aux fleuves mythiques, Tigre et Euphrate. Terre historique qui a enfanté nos croyances, elle devrait connaître le repos et la sagesse qui sied au grand âge. Il n’en est rien. On se dispute son héritage. Fausse note cruelle dans le concert des Nations le Kurdistan est pour l’heure condamné à n’être que l’antichambre d’un État suspendu aux convulsions régionales. Chère A., comme j’ai hâte de retourner encore une fois sur tes pas qui parlent à nos mémoires. Et comme je me sens brutalement hermétique à cette Afrique australe. Au Mozambique rien ne résonne en moi comme en Orient si ce n’est ces improbables Swahilis et mon détestable penchant pour la nostalgie coloniale. Seul mon intérêt pour le développement socio-économique justifie encore ma présence ici. En attendant le voyage je rêve d’un narghilé sur les terrasses de Mardin et de trois après-midi au musée des mosaïques d’Antioche. Comme toi « une fois encore me voici au milieu du gué, un pied dehors, un pied dedans. »