Nov 222005
 

Paris, Station de métro Saint-Lazare (c) Yves Traynard 2005Ça y est l’itinéraire du Dakar 2006 a été dévoilé ce matin !
– Mais me direz-vous, tu t’intéresses au Dakar maintenant ?
– Et bien oui. Tout simplement parce que SOS Sahel où j’effectue mon stage est LE partenaire humanitaire du Dakar. Ma sympathique collègue de bureau enchaîne réunion de partenariat sur conférence de presse ces derniers jours en attendant le grand départ à Lisbonne.
Je vois déjà des froncements de sourcils, des grincements de dents, des soupirs dans mon entourage à l’évocation de cette coupable liaison. Je vous entends déjà parler de caution à vil prix, de bonne conscience morale. Mais plutôt que de prendre parti sur le Dakar lui-même (conformément à ma blog’etiquette j’exerce là mon obligation de réserve) je vous propose de lire les arguments des tenants du pour et du contre glanés sur Internet.
Ils nous en disent long sur notre mauvaise conscience, sur notre incapacité à transformer le monde, sur notre imaginaire de la pauvreté. Ils montrent aussi des Français prompts à s’enflammer pour une cause, à la transformer en symbole, à créer des fractures. Je retrouve là la passion stigmatisante d’autres débats : le voile, les banlieues, le micro-onde, Internet, les Américains… Je crains que notre défaut d’analyse critique raisonnée, notre culture du dernier mot, de l’éditorialisme, notre ambition à tout régir, nos élans révolutionnaires très franchouillards ne s’accordent plus guère avec la diversité du monde et sa complexité.

Le contre

  • Imaginez une course en France où des gosses se feraient écraser chaque année… Mais bon, chez les sauvages, c’est moins grave non ?
  • Une vitrine élogieuse de l’Afrique noire ? Que voit-on à la télé sinon des motos polluant et détruisant la nature déjà si peu riche dans certain pays africains ?
  • Je trouve inadmissible que certains « grands champions » puissent aller dans ces pays souvent pauvres avec leur équipement qui vaut des milliers d’euros… quand on sait que ces gens meurent parfois de faim.
  • Tout cet argent mis pour quelque chose qui ne sert finalement à rien aurait pu sauver des millions de gens tués par le Sida en Afrique faute de moyens ?
  • Ce qui est méprisable, c’est que le désert, sa population sont devenus un terrain de jeu pour assouvir le fantasme de petits blancs en mal d’exotisme.
  • Ils détruisent au passage de leur camions et voitures moto un fragile équilibre de l’écosystème saharien.
  • Le Paris-Dakar est la continuation du colonialisme et un symbole du déséquilibre Nord-Sud de notre planète. Il est un mépris envers les pays du Sud : il est dépensé en 15 jours le budget annuel de la santé du Mali !
  • Cet étalage de richesse dans des pays où les populations ont juste de quoi survivre n’est pas admissible et doit être condamné au nom du respect des droits élémentaires de la personne humaine.
  • Ce n’est pas parce que les régimes, autoritaires pour la plupart, de ces États cautionnent par leur silence ou leur active complicité ces escapades de nostalgiques de la coloniale que nous devons nous taire sur ce scandale.
  • Pouvons-nous accepter le gaspillage de centaines de milliers de litres d’essence, brûlés en pure perte pour la seule gloire de quelques constructeurs et sponsors rapaces dans des régions où survivre est chaque jour un exploit ?
  • Le Rallye-Dakar sert à entretenir les fantasmes de puissance, de vitesse et de domination liés à la « bagnole ». Ils sont source de violence routière mais aussi de juteux profits pour les lobbies automobiles.
  • Pouvons-nous admettre que l’Afrique qui s’enfonce chaque jour un peu plus dans la pauvreté, la maladie ou la guerre soit le terrain de jeu de quelques «défoncés de la vitesse» en mal d’aventure ?
  • Depuis 1979, ce rallye a fait plus de 30 morts. Combien en faudra t-il encore pour déclarer hors la loi cette compétition sportive que les populations et gouvernements d’Europe refuseraient (avec raison) dans leur propre pays ?
  • Nous ne pouvons pas admettre en Afrique ce que nous ne saurions tolérer chez nous.
  • La manifestation d’intérêt de certains sponsors fait du rallye une affaire de grands moyens. Ceci réduit considérablement la chance de participation des concurrents africains.
  • Les Verts pensent que le Dakar est une double catastrophe pour la planète, tout d’abord en considérant les milliers de litres de carburants dépensés. L’Afrique, elle, est considérée comme un terrain de jeux et les Africains sont complètement ignorés voire méprisés.
  • En 1988 René Dumont déclarait : « Ce rallye est indécent. Je compare cela à une bande de fêtards qui organisent un banquet mais pas chez eux, et qui entrent chez un pauvre pour ripailler sans l’inviter à partager.
  • « Pour moi, comme pour lui [Théodore Monod], le désert est une cathédrale. Il faut absolument lutter contre l’irrespect de la Terre », Albert Jacquard.
  • Renaud (le chanteur) : Paris Dakar, 500 connards sur la ligne de départ.

Le pour

  • On pourrait dire la même chose pour n’importe quelle grande manifestation (tour de France, coupe du monde de foot, JMJ,…)
  • On pourrait faire ça chez nous. Mais à quoi se cacher les Africains connaissent bien notre niveau de vie.
  • Le Dakar constitue une grande aventure humaine et sportive. Les plus grands champions y sont présents.
  • Le Dakar se fait la vitrine élogieuse de l’Afrique noire. Il est extrêmement médiatisé et permet aux Européens de prendre conscience de la vie et du patrimoine d’Afrique noire
  • Il permet entre autres de développer le tourisme.
  • Le Dakar c’est aussi une immense manne financière pour les pays traversés.
  • Demandez à un malien s’il est pour ou contre cette course et vous verrez que sa réponse va à l’encontre de vos opinions personnelles.
  • Les Africains se passionnent pour le rallye et ils font de cette compétition une fête nationale.
  • Eh bien jamais il n’y a eu un acte d’hostilité de la population vis-à-vis du Dakar. Et ça, je voudrais bien que ceux qui critiquent le Dakar s’en rendent compte.
  • La grande médiatisation de cette compétition permet de voir sur certaines grandes chaînes de télévision des reportages sur des coins reculés de la Mauritanie, du Sénégal, du Maroc, du Niger ou du Mali. Le monde découvre par la même occasion d’autres facettes de l’Afrique outre le Sida, le paludisme, la guerre ou la famine.
  • C’est aujourd’hui le seul lien médiatique entre la France et l’Afrique que nous avons tous oubliée.
  • Par la vente des objets d’art ou divers commerces, les populations tirent beaucoup de profits.
  • L’Algérie, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger et le Sénégal ont développé une réelle culture du Dakar, notamment grâce à leur fédération des sports automobile et motocycliste. Ils présentent donc des candidats pour ce rallye.
  • C’est une des rares compétition internationale où l’on peut voir des représentants des pays africains participer (cherchez bien il y en a un petit nombre), »Chaque année, le fait d’y participer me renforce un peu plus dans l’idée que nous sommes tous une famille humaine qui habitons la même planète. En parcourant certains pays, on se rend compte de la misère des gens. Chose que l’on a tendance à oublier en Occident. » Ari Vatanem
  • Le potentiel de cet évènement en termes d’échanges et de so
    utient des pays pauvres d’Afrique est monumental mais on n’en fait rien.
  • Dans la caravane du Dakar 2005, qui compte près de 700 véhicules, certains concurrents se distinguent par leur engagement en faveur d’une cause humanitaire. Des gestes forts qui pourront peut-être un jour donner des idées aux riches constructeurs engagés dans la compétition.
  • L’idée de la création d’une grande route qui part du Sénégal jusqu’au détroit de Gibraltar, en passant par la Mauritanie et le Maroc, serait venue du circuit du Paris–Dakar. Si ce projet gigantesque se réalise, l’Afrique aura gagné un pari pour le développement.
  • Tous ces gens qui critiquent le Dakar que font-ils concrètement pour l’Afrique ?
  • « Je serais sensible à ces critiques si elles étaient fondées sur de vrais arguments. Je me suis rendu compte depuis huit ans que ceux qui prononcent ce genre de phrases ne sont jamais, en grande majorité, allés en Afrique. Ce ne sont pas des gens qui connaissent la réalité du terrain. » Gérard Holtz.

Question : Avant de prendre parti sommes-nous capables de peser les arguments, d’évaluer humainement et financièrement les enjeux du Dakar, de les comparer par rapport à d’autres préoccupations de la planète, de leur donner un poids relatif ? Voilà qui doit nous inviter plus largement à réfléchir sur comment on se forge une opinion.



(*) pour les ignares comme moi on ne dit plus le Paris-Dakar depuis plusieurs années. D’ailleurs le rallye lancé par Thierry Sabine, popularisé par Daniel Balavoine part du Portugal cette année sans passer par la France. Nos états d’âme y seraient-ils pour quelque chose ?
PS : la simple énumération de faits ne leur confère aucune véracité.