Déc 062009
 
Baoding, Pêcheur au jardin public (c) Yves Traynard 2009
Sous les pâles rayons de l’hiver chinois, le pêcheur a brisé la glace et jeté l’hameçon. Tout près, emmitouflé jusqu’aux oreilles, je relis avec conviction Les Lettres persanes de Montesquieu. Une réflexion aiguë, ô combien moderne, sur le voyage, le temps long, la compréhension de l’Autre et de sa société. Tourisme du Réel ?

Lettre 1 : Usbek à son ami Rustan, à Ispahan.(*)

[…] Rica et moi sommes peut-être les premiers parmi les Persans que l’envie de savoir ait fait sortir de leur pays, et qui aient renoncé aux douceurs d’une vie tranquille pour aller chercher laborieusement la sagesse. Nous sommes nés dans un royaume florissant ; mais nous n’avons pas cru que ses bornes fussent celles de nos connaissances, et que la lumière orientale dût seule nous éclairer.

Lettre 48 : Usbek à Rhédi, à Venise.(**)

Ceux qui aiment à s’instruire ne sont jamais oisifs quoique je ne sois chargé d’aucune affaire importante, je suis cependant dans une occupation continuelle. Je passe ma vie à examiner, j’écris le soir ce que j’ai remarqué, ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu dans la journée. Tout m’intéresse, tout m’étonne : je suis comme un enfant, dont les organes encore tendres sont vivement frappés par les moindres objets.
Tu ne le croirais pas peut-être, nous sommes reçus agréablement dans toutes les compagnies et dans toutes les sociétés ; je crois devoir beaucoup à l’esprit vif et à la gaieté naturelle de Rica, qui fait qu’il recherche tout le monde, et qu’il en est également recherché. Notre air étranger n’offense plus personne ; nous jouissons même de la surprise où l’on est de nous trouver quelque politesse : car les Français n’imaginent pas que notre climat produise des hommes. Cependant, il faut l’avouer, ils valent la peine qu’on les détrompe.

Introduction(***)

Il y a une chose qui m’a souvent étonné : c’est de voir ces Persans quelquefois aussi instruits que moi-même des mœurs et des manières de la nation, jusqu’à en connaître les plus fines circonstances, et à remarquer des choses qui, je suis sûr, ont échappé à bien des Allemands qui ont voyagé en France. J’attribue cela au long séjour qu’ils y ont fait : sans compter qu’il est plus facile à un Asiatique de s’instruire des mœurs des Français dans un an, qu’il ne l’est à un Français de s’instruire des mœurs des Asiatiques dans quatre, parce que les uns se livrent autant que les autres se communiquent peu.

Quelques réflexions sur les Lettres persanes(****)

[Le lecteur] est prié de faire attention que tout l’agrément consistait dans le contraste éternel entre les choses réelles et la manière singulière, naïve ou bizarre, dont elles étaient aperçues.
A mesure qu’ils font un plus long séjour en Europe, les mœurs de cette partie du monde prennent dans leur tête un air moins merveilleux et moins bizarre, et ils sont plus ou moins frappés de ce bizarre et de ce merveilleux, suivant la différence de leurs caractères.

(*) Lettre I. Usbek à son ami Rustan, à Ispahan, Lettres persanes, Montesquieu. Wikisource.
(**) Lettre 48. Usbek à Rhédi, à Venise, Lettres persanes, Montesquieu. Wikisource.
(***) Introduction, Lettres persanes, Montesquieu. Wikisource.
(****) Quelques réflexions sur les Lettres persanes, Lettres persanes, Montesquieu. Wikisource.


Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Lettres persanes ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2009/12/lettres-persanes/>

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