Nov 182008
 
Le Genre urbain, ma librairie de proximité, a décidé de sortir de son thème de prédilection(*). Ce soir exit l’urbanisme, bienvenue à la colonisation. Benjamin Stora et Jean-François Klein présentaient un petit opus dédié aux mots de la colonisation française(**) rédigé par des universitaires certes mais à destination du grand public et des lycéens. Au total, 43 mots définis en quelques lignes – un vrai challenge tant dans la sélection que la définition pour couvrir un Empire immense qui couvrait des espaces et des situations aussi différentes que l’Indochine, l’Océanie, le Maghreb, l’Afrique sub-saharienne et Madagascar. Mais à quoi peut bien servir aujourd’hui de définir bled, brousse, chicotte, indigène, nègre, néocolonialisme, opium et otages ? Réponse des auteurs : favoriser l’analyse du discours en redonnant un sens aux mots, en réintroduisant la charge sémantique initiale. Nos universitaires constatent une inflation de thèses, d’ouvrages savants sous l’influence des post-colonial studies américaines qui interpelle la colonisation et la place au cœur de l’histoire française et non plus à sa périphérie. Une inflation universitaire peu favorable au grand public alors que pointe la demande croissante de la troisième génération de l’immigration, en quête de racines dans l’esclavage et la colonisation. Un phénomène qui donne lieu à une reconstruction de l’histoire en récits plus ou moins proches de la réalité. Un usage des mots qui n’est pas à l’abri d’une instrumentalisation politique.
Par ailleurs Jean-François Klein s’inquiétait du peu d’études sur l’Indochine, alors que cette guerre a fait trois fois plus de morts français que l’Algérie. Pourquoi l’Indochine, Madagascar, l’Océanie ont disparu des mémoires ? Une question qui nécessite une recherche en creux pour interroger le regard.


(*) Librairie Le Genre Urbain, 30 rue de Belleville. Paris.
(**) Les mots de la colonisation, direction : Sophie Dulucq, Jean-François Klein, Benjamin Stora. Toulouse PU du Mirail, 2008, 127 pages.