Juil 032008
 

Dans un rapport intitulé Devant la loi et rendu public ce mardi 10 juin, la Cimade révèle, sur la base d’une enquête serrée menée pendant cinq mois, les nombreux dysfonctionnements constatés dans les préfectures(*). Il apparait que si la France a besoin d’immigrés elle ne souhaite pas les reconnaître en tant qu’êtres humains. L’exemple parmi des milliers d’autres de Monsieur M. est édifiant.

Monsieur M. a un CDD dans un grand hôpital public. La qualité de son travail et ses compétences ont fait de lui un salarié reconnu et apprécié de ses collègues comme de son encadrement. Son employeur s’apprête donc à renouveler son contrat de travail pour un an supplémentaire. Seulement voilà, son titre de séjour expire. Il a déposé une demande de renouvellement, auquel son statut personnel lui donne droit, exactement deux mois à l’avance comme le stipule les textes. Mais comme chaque année la préfecture a du retard dans le traitement des dossiers. Le contrat va lui échapper, l’employeur ne signant de contrat qu’avec des personnes en règle. Bilan.

  • Une situation totalement aberrante économiquement
    – l’Etat va préférer verser des indemnités de chômage à Monsieur M. plutôt que de l’employer !
    – l’hôpital public n’a d’autre choix que de recruter et former un nouveau collaborateur pour le remplacer. Bonjour le déficit de la S.S. !
  • Une situation inique sur le plan personnel
    – Monsieur M. se retrouve brutalement en situation de totale précarité. Plus de papier, plus de travail alors qu’il à droit tout à fait légalement à l’un et l’autre.
    – Il ne peut profiter de ce temps où il lui est impossible de postuler pour un emploi pour rendre visite à sa famille. S’il quitte le territoire il ne pourra revenir.
    – Il est condamné à attendre le bon vouloir de la préfecture et au travail au noir en enrageant d’avoir perdu un travail qu’il appréciait.
  • Des comportements inadmissibles de la part de la Préfecture.
    – Lorsqu’on interroge la Préfecture sur ces retards récurrents celle-ci est incapable d’indiquer un délai de remise des documents.
    – Le personnel visiblement stressé est d’un « accueil » laconique.
    – Last but not least
    , il en coutera à Monsieur M. trois A/R vers sa préfecture 1) pour déposer le dossier, 2) retirer un récépissé justifiant de sa situation qu’on aurait dû lui remettre dès le dépôt du dossier, 3) retirer son titre de séjour lorsqu’il sera disponible.

Le rapport liste sans fin les défaillances de notre administration : files d’attente dès 5 h du matin, manque d’information concernant les procédures et les droits des étrangers, multiplication des arrestations au guichet,… l’enquête de la CIMADE révèle de nombreux autres dysfonctionnements constatés dans les préfectures en matière d’accueil des étrangers, d’information du public, d’instruction des dossiers des personnes étrangères. Elle formule un ensemble de propositions pour venir à bout de ces dérives qui font sourire lorsqu’on relit la «charte Marianne» qui, depuis 2005, définit des engagements obligatoires pour l’ensemble des administrations censées « promouvoir des valeurs telles que la courtoisie, l’accessibilité, la rapidité, la clarté des réponses mais aussi un esprit d’écoute, de rigueur et de transparence »(**)


(*) « Devant la loi » Enquête sur l’accueil des étrangers dans les préfectures, l’information du public et l’instruction des dossiers, 10 Juin 2008.
(**) Lancement national de la « Charte Marianne ». Des engagements pour un meilleur accueil dans les services publics, janvier 2005.