De bon matin j’ai quadrillé les ruelles du vieil Edirne où je loge. Mélange disparate de maisons en bois edernakies, restaurées ou à l’abandon, et d’immeubles mal bâtis, décorés de paraboles sur les ruines d’une ville qui sent la guerre et les déportations. Edirne est un mélange de splendeur ottomane et de martyre, une ville coincée entre Grèce et Bulgarie qui attend son salut de l’Europe. Je gagne la Maritza, par deux beaux ponts ottomans qui marquaient l’entrée de la ville. Les berges sont sans doute fort jolies aux beaux jours comme le suggère les nombreux restaurants guinguettes. Mais après les récentes inondations et sous les nuages c’est plutôt lugubre. Je décide d’emprunter l’avenue pavée qui conduit à Karaagaç, site de l’ancienne gare. Stupeur ! La station désaffectée est un monument immense et splendide, totalement ignoré des guides. Elle marquait pas moins l’entrée en Turquie au temps glorieux de l’Orient Express et une jolie petite ville s’y était agglomérée. Elle héberge aujourd’hui les fonctionnaires cravatés du rectorat de l’Université de Thrace (orientale). Comme on se trouve aux confins de la Turquie la belle gare abrite également un monument et un musée à la gloire du Traité de Lausanne qui a donné à la Turquie les frontières qu’on lui connait et ethnicisé sa composition en lançant un vaste programme d’«échange» de population entre la Grèce et la Turquie. Tant d’histoire – où la France a largement contribué – méritait bien un thé à la gargote du rectorat où je rencontre… devinez… notre Consul honoraire à Edirne !
«Dieu vous envoie !». C’est tout ce que j’ai trouvé à lui dire. Je ne savais guère comment rejoindre rapidement la Grèce depuis Edirne. L’office du tourisme m’avait proposé un itinéraire pas vraiment convaincant par Ipsala. On y trouverait un bus par jour pour la Grèce en provenance d’Istanbul. Notre consul avait une solution qui passe à deux kilomètres de là et que je mettrais en œuvre dès demain. J’aurais bien poursuivi l’échange sur le coût de la vie, l’Europe et les Balkans, mais un consul même honoraire, médecin généraliste de surcroit, à d’autres obligations.
Quand on fréquente le Consul de sa nation comme disait les voyageurs du XIXe s., on peut se louer un hammam pour la soirée. Une exclusivité sans supplément, les Turcs n’ayant pas retrouvé le chemin du hammam même rénovés.Et pas n’importe quel bain. Celui signé par le génial architecte Sinan. La salle de déshabillage représente le volume d’une mosquée de quartier ! La salle chaude spacieuse à souhait est un délice de repos. Vapeur, gouttes d’eau qui perlent, kesse (gommage). De quoi me guérir du coup de boule au tibia asséné à l’issue d’un rodéo fatal autour d’un sarcophage par le bélier agressif qui garde le jardin du musée archéologique. Je quitterais ainsi la Turquie d’un bon pied et reviendrait volontiers passer deux semaines à Edirne qui le vaut bien.
PROGRAMME
Visite du vieux Edirne. maisons bois, brique colombage et placage bois.
Quartiers grecs, turcs et juifs. Synagogue.
Visite du quartier de l’ancienne gare ainsi que du monument et du musée du Traité de Lausanne.
Déjeuner, chorba et ragout de légume et bœuf, potiron au noix.
Musée urbain d’Edirne (nouveau).
Visite du musée des arts turcs et de l’islam.
Musée archéologique fermé pour travaux.
Pluies abondantes. Inondation. Refuge internet. Censure d’un logiciel « antiporn » qui rend inutilisable internet tant les sites de rencontre sont prosélytes. Un simple spam dans votre messagerie et votre page web se referme aussitôt !
Hamman de Sinan (8,50 YTL l’entrée, 5YTL le gommage).
Nuit à l’Hotel Kent. Ch. 5.
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Consul honoraire ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2007/12/consul-honoraire/>