Mar 112006
 

Retourné au festival Cinéma du Réel à Beaubourg sous une pluie insidieuse pour assister à la projection d’un reportage produit en 1995 par Archipel 33 et France 3. En deux fois 50 mn Jean Baronnet tente de faire le tour d’une question rarement abordée : le Mandat français en Syrie et au Liban. Actualités filmées et récits de survivants éclairent le destin d’une entreprise coloniale très mal connue qui finit en règlement de compte franco-anglais. Images de sombres calculs géopolitiques où le désir d’autonomie de la population fait l’objet de promesses jamais tenues. Le réalisateur appelle à la barre des témoins syriens de ces années. Blocus de la garnison de Souweyda, bataille de Meysaloun, bombardement de Damas en 1925 et 1945, emprisonnement, exil, pendaison des nationalistes. Le témoignage de Joseph Kessel fait froid dans le dos. Même sous ce régime de Mandat on aurait peine à mettre en avant un rôle positif !
A la sortie j’assiste au direct de France-Culture, dont l’émission « Radio Libre » traite de « Monde arabe et cinéma ». Antoine Guillot a réuni dans ce sombre sous-sol beaubourien trois cinéastes syriens de renom :

  • Mohammad al-Roumi qui évoque le nouveau cadre qui se met discrètement en place alors que le poids de la dictature s’estompe,
  • Ossama Mohammad qui parle de « danser » avec la contrainte officielle et bénit les nouvelles conditions techniques des artistes (le numérique),
  • Omar Amiralay grand invité de ce festival et d’un hommage organisé par l’IMA.

Marie-Pierre Duhamel parle, sans trouver d’écho, du risque d’étouffement de la production sous la métaphore, un exercice de style imposé pour dénoncer sans se dénoncer.
Hiam Abbas, actrice et réalisatrice palestinienne (Munich, la Fiancée syrienne) évoque son rapport à la Syrie où une branche de sa famille a trouvé refuge. Témoignage émouvant où le cinéma dépasse les frontières et devient langage universel.
Raja Amari, réalisatrice tunisienne, dénonce des limites imposées plus par la société arabe que par le politique. Son beau et sulfureux Satin rouge fut critiqué d’une part de ne pas être le reflet de la réalité tunisienne et d’autre part de plaire à l’Occident.
Khalil Joreige (A perfect day) dénonce quant à lui le double travers du cinéma arabe. Vision orientaliste d’un côté et tendance du pouvoir à monopoliser l’espace de l’autre. Il préfère quant lui être symptomatique. Joanna Hadjithomas prolonge l’idée. Sa vision de Beyrouth n’est dépliant touristique ni pamphlet. Faire sentir plutôt que de démontrer, laisser remonter ce passé simple que l’on ne veut pas voir.

S’agissant de TV (voilà du réel !), Omar Amiralay reproche à ces nouvelles chaînes arabes (Al-Jazeera, al-Manar, al-Arabiya), de mettre en scène l’actualité avec le même style que CNN, d’être incapable de dépasser la chaîne d’information avec cette permanente banalisation de la mort. Et de rappeler tout l’intérêt du documentaire (CQFD !)
Le jeune Mohammad Osman conclu le débat en égrenant les notes étincelantes de son bouzouki.



Festival Cinéma du Réel
Radio Libre sur France Culture
Le Mandat Français