Jan 302009
 

Le travail, c’est la santé.
Rien faire, c’est la conserver.
Les prisonniers du boulot
Ne font pas de vieux os.
Henri Salvador

Voilà bien un refrain que l’on n’entonne plus. C’est même une chanson politiquement incorrecte, limite indécente. Aujourd’hui, le travail est redevenu la valeur cardinale de notre société. La ritournelle du grand Henri aurait même très bien pu accompagner le générique de l’impertinent Attention danger travail(*) projeté hier soir au centre d’animation de la Place des fêtes(**). On l’aura compris au titre, ce film va à contre-courant.
Juxtaposant portraits de chômeurs, récits de salariés en souffrance, discours du Medef et démonstrations de techniques managériales et de ventes chez Domino’s pizza, Pierre Carles et ses collègues, en fidèles disciples de Bourdieu(***), nous invitent à une déconstruction de la valeur du travail.
Quand on entend des chômeurs dire qu’ils sont heureux de l’être, qu’ils ne ressentent pas le besoin de travailler pour se réaliser, qu’ils se contentent des minima sociaux et sont très heureux comme ça on est saisi d’un malaise. Non qu’ils agissent en « profiteurs du système » mais parce qu’ils ont le mérite de poser des questions fondamentales. A quoi sert le travail, ne l’avons pas sacralisé, paré de vertus alors qu’il détruit les corps, génère du stress, brise des vies dans ses nouvelles formes de pénibilité ?(****) A quoi sert de travailler toujours plus pour consommer encore et encore ce que l’on produit et dont nous n’avons pas le temps de jouir ?
Et inversement à qui profite le chômage ? Sans forcément y voir une volonté délibérée, un complot du patronat, on ne démontre plus qu’un taux élevé de chômage permet d’exercer une pression sur le coût de la main-d’œuvre et la docilité du personnel. D’où une partie de l’empressement à remettre au travail les chômeurs pour qu’ils acceptent n’importe quel travail et surtout à n’importe quel prix.
Question naïve… Pourquoi ne pas travailler moins, consommer moins et différemment, pour être plus disponibles et pour que chacun puisse trouver sa place dans la société ? Pourquoi les 35 heures qui paraissent du bon sens d’un point de vue philosophique sont aujourd’hui vilipendées à gauche comme à droite, qu’on ne songe plus du tout à réduire le temps de travail, évolution qu’on était en droit d’attendre du progrès mais au contraire l’allonger : travailler jusqu’à 70 ans, faire des heures supplémentaires, se faire payer son épargne congé ?
Et même s’il y a toujours de bonnes raisons à court-terme pour différer des mesures de meilleur usage du travail (compétitivité…) rien n’interdit de se poser ses questions dans la tourmente économique et environnementale où nous sommes entrainés.

(*) ATTENTION DANGER TRAVAIL de Pierre Carles, Christophe Coello, Stéphane Goxe, France, 2003, 1h49. Extraits vidéos ci-dessous.
Une dizaine de chômeurs et chômeuses racontent pourquoi et comment ils ont décidé de ne plus aller travailler. Après avoir fréquenté plus ou moins longtemps le monde du travail, ces hommes et femmes ont fui l’usine, l’entrepôt ou le bureau, bien décidés à ne plus accepter les règles de la guerre économique contemporaine. Loin de l’image du chômeur accablé ou déprimé, ces « sans-emploi qui n’en demandent pas pour autant » expliquent ouvertement pourquoi ils cherchent à s’épanouir en dehors du monde du travail, avec peu de ressources mais en disposant de temps à profusion.
Prochaine diffusion : Vendredi 13 février à 19h30, Au Centre d’animation Louis Lumière, 46 rue Louis Lumière – 75020 Paris – M° Porte de Bagnolet.
(**) Centre d’animation Place des fêtes. 29/1/2009. Projection organisée par Belleville en vue(s).
2 rue des Lilas (19e) – Tél. : 01 40 18 76 45.
(***) on se souvient de La sociologie est un sport de combat.
(****) cf. Le travail contre la culture ?, Par Yves Clot, titulaire de la chaire de psychologie du travail du Cnam, La Croix 09/03/2007.
Il faut remettre la France au travail. L’argument est à la mode. Et, sur les tribunes, l’approximation n’effraie pas. Efficacité et intensification du travail seraient purement et simplement la même chose. Pourtant, dans la réalité professionnelle, la course aux chiffres mine l’intelligence du but à atteindre, l’ingéniosité et la qualité de l’acte. La tyrannie du court terme laisse les femmes et les hommes aux prises avec un compactage du temps qui use le corps et l’esprit parfois jusqu’à la rupture. L’obsession des résultats et le fétichisme du produit imposent la démesure d’un engagement sans horizon.

Extraits Vidéos