Déc 112008
 
Rencontre avec Jean Ziegler hier à la librairie Résistances autour de son dernier livre au titre choc : La haine de l’Occident. Un essai où je lis une prise de hauteur sur la solidarité, sur ses préalables ; ce qu’elle nécessite pour s’exercer efficacement.
Devant une salle comble dans cette librairie dédiée aux résistances (la palestinienne y est à l’honneur), Jean Ziegler est venu présenter sa thèse, au demeurant fort simple. Une haine de l’Occident monte des pays du Sud et paralyse les institutions comme les relations internationales. Il est urgent de s’en débarasser. De cette haine il en distingue deux.

Maputo, Fort portugais (c) Yves Traynard 2006

  • Celle du terrorisme, inadmissible, véritable pathologie sociale représentée par al-Qaïda,
  • Celle rationnelle, qui trahit une récupération d’identité, une résurgence mémorielle. 
C’est de cette dernière qu’il faut guérir d’urgence. Jean Ziegler définit l’Occident (qui ne regrouperait pas plus de 13% de la population mondiale) comme un système d’organisation plus qu’une « race ». Cette définition lui permet d’étendre son territoire à certaines oligarchies d’Inde ou de Chine. Cet Occident a perpétué de nombreux crimes. Il cite le génocide des Indiens, l’esclavage, la traite, la déportation, la terreur coloniale et aujourd’hui le capitalisme quand il se fait dictature des oligarchies universalisées, dictat du marché et du capital au mépris des peuples. Il rappelle que, puissance inégalée dans l’histoire, 100 entreprises font 50% du PIB mondial.

Pour illustrer le poison que constitue ce passé jamais refermé il rapporte quelques anecdotes. L’une se déroule en Algérie lors de la visite de Sarkozy, l’autre à l’adoption d’une résolution sur le Darfour au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Dans les deux cas le passé ressurgi a fait obstacle à la construction d’un présent pacifié. Celui des massacres de Sétif d’un côté, l’arrogance interventioniste de l’Occident de l’autre.  
L’ancien rapporteur des Nations Unies sur l’alimentation voit deux causes à cette haine de l’Occident.
  • La résurgence mémorielle de l’esclavage et de la colonisation qui se transforme en exigence de repentance et de réparation,
  • L’ordre cannibale du monde, meurtrier (faim, eau) et absurde (agrocarburant). Le discours des droits de l’homme occidental n’est plus crédible et s’apparente au double langage. Comment peut-on tenir de longs discours sur le  droit à l’alimentation et d’un autre côté faire du dumping agricole (349 md de $. en 2007) ?
Refusant de cèder au pessimisme, Jean Ziegler voit dans la crise actuelle plutôt une chance pour l’avenir. Même s’il ne faut pas minimiser l’impact de la crise financière (logement, retraite, chômage, impôts, précarisation..) «le masque du néo-libéralisme est tombé». La souffrance peut conduire à une réflexion collective. « Nous sommes au début d’une révolution qui peut changer le monde » promet-il. Du reste l’Amérique latine, la Bolivie, ses FSM, par exemple fournit déjà d’autres raisons d’espérer. 

(*) La Haine de l’Occident, Jean Ziegler, Albin Michel, Paris, 2008.

(*) Jean Ziegler: «La mémoire du Sud ressurgit; elle attise la haine de l’Occident», Le Courrier, quotidien suisse indépendant, 7 novembre 2008.
(**) Librairie Résistances. 4, Villa Compoint, 75017 Paris. M° Guy Môquet (ou Brochant). Tél. : 01 42 28 89 52. Vidéo de la rencontre prochainement sur Ecran d’Arrêt.