Fév 252008
 

Passant de la théorie à l’expérimentation, de l’actualité aux études de fond, l’étudiant humanitaire poursuit sa quête d’un nouveau tourisme. Ces dernières semaines étaient consacrées à une large révision des domaines de notre savoir pour distinguer ceux qui sont invités au voyage de ceux priés de rester à la maison. Partant d’une classification de nos connaissances largement admise il a tenté de quantifier l’intérêt que portent nos guides de voyage à ces disciplines(*). Le constat ne l’étonne qu’à moitié. Toutes les champs de la connaissance sont loin d’être convoquées avec le même appétit. Détails.

  • Les matières de la scolarité obligatoire (histoire, géographie, littérature, langue) sont très sollicitées (hors sciences exactes) sous une forme particulièrement scolaire d’ailleurs,
  • Sollicitées également, l’ethnologie (celle de grand-papa), l’anthropologie teintée d’essentialisme de comptoir, les religions, sous l’angle du dogme et du rite, jamais sous le jour de la spiritualité, de la multiplicité des courants de pensée et encore moins de l’évolution des pratiques,
  • Certaines branches des sciences humaines qui pourraient être au cœur de la découverte de ces sociétés sont totalement absentes :
    • Économie : la présentation toujours aux normes occidentales ignore les phénomènes locaux tels que l’informel, les migrations, le travail et ses mobilités, l’industrialisation, la pauvreté, les inégalités. Sa forme : un vague chapitre Economie qui annone l’encyclopédie dont il tire les chiffres,
    • Urbanisme : ne sont abordés que les architectures et aménagements ‘nobles’ à destination des touristes, jamais les plans d’urbanisme des villes et banlieues, les politiques, les projets…
    • Médias et communication : rien sur les ressorts de la publicité, internet, la téléphonie (sauf au chapitre pratique)
    • Politique : absence de la géopolitique, des élites, des modes de désignation, des cohabitations des structures traditionnelles et administratives…
    • Psychologie et psychanalyse, philosophie : un flop
    • Sociologie : segmentation socio-culturelle des populations, modes de vie, espoirs, le vivre ensemble… Exception : le guide Egypte propose cinq pages et demi sur la vie quotidienne… mais il s’agit des Egyptiens du temps des Pharaons !
    • Education rien sur l’école, les universités, les savoirs, les matières, les filières…

A l’inverse certaines matières sont hyper-documentées :

  • la santé, enfin celle du voyageur !
  • la gastronomie, mais pas un mot sur l’alimentation,
  • l’artisanat lorsqu’il produit des souvenirs à acheter,
  • les coutumes et le folklore dans un état fossile,
  • l’art, c’est bien le seul domaine ou le contemporain est à l’honneur !
  • la faune et la flore, toujours avec un souci de ‘noblesse’ : big five, plantes rares…
  • la musique, plutôt traditionnelle ou tendance World Music mais pas de variété,
  • les loisirs : branchés ou « authentiques » mais surtout pas populaires,
  • la littérature est largement évoquée, citée même quant il s’agit de récits de voyageurs anciens et plutôt européens. Quelques rares auteurs locaux sont cités s’ils ont la chance d’être traduits en français !

Plus généralement la découverte de la culture passe avant la société, l’anecdotique prime sur le général, le statique sur le dynamique, le spectaculaire sur le souci de vérité.
Mon projet n’est pas de faire coller le voyage à un catalogue de savoir qui lui-même est artificiel et proportionnel à pas grand chose si ce n’est la taille des rayons des bibliothèque. Mais qui voudrait faire de son voyage une approche un peu équilibrée de sa destination trouverait dans ces savoirs matière au sens propre. Car elle ne manque pas cette connaissance, même si elle est souvent tapie dans des documentaires peu distribués, des ouvrages de chercheurs en sciences sociales, des revues spécialisées, des ONG… Tous les jours je trouve des éléments propres à enrichir la visite de telle ou telle destination, comme cet Afrique remarquable, limpide et accessible ou cet ouvrage pluridisciplinaires La jeunesse en Afrique subsaharienne produit sous la direction de Yao Assogba(**)


(*) Remarque méthodologique concernant cette étude : les domaines du savoir sont basés sur la classification DEWEY de nos bibliothèques, leur quantification est évaluée grâce au guide du Routard (nbre de pages consacrées par domaine sur trois destinations Egypte, Vietnam, Equateur). Le Routard a été retenu pour l’importance de sa diffusion. Détail sur demande.
(**) L’Afrique. Sous la direction d’Anne Volvey. Atlande, Collection Clefs concours. Géographie des territoires. Neuilly, 2005, 287 p.
Regard sur… la jeunesse en Afrique subsaharienne, Edition IQRC, Laval, Canada. Sous la direction de Yao Assogba. Collection Regards sur la jeunesse du monde. Série Diagnostics, 168 pages, 2007.

Présentation de Regard sur…
Plus de 50 % de la composante des populations africaines au sud du Sahara se retrouve dans la catégorie d’âge de 15 à 35 ans. Cette jeunesse a hérité des conséquences néfastes de la crise économique et sociale des années 1980. Le quotidien pour elle est fait de précarité, de sous-emploi, de chômage, ­d’exclusion sociale… Mais ces jeunes ne faiblissent pas devant les problèmes sociaux qu’ils vivent. Ils se manifestent de diverses ­façons pour exprimer leurs aspirations et leurs ambitions. Ils sont dynamiques, inventifs et créatifs dans tous les secteurs de la ­société. Ils abordent avec philosophie leurs conditions de jeunes et participent en tant qu’acteurs sociaux aux dynamiques mouvantes de l’Afrique contemporaine. Dans cet ouvrage collectif, des chercheurs de milieux universi­taires et journalistiques résidant en Afrique, en Europe et au Québec présentent une analyse des principales réalités sociales des jeunes d’Afrique subsaharienne. Les auteurs s’appliquent, d’une part, à montrer les dynamiques des rapports de cette jeunesse au système d’éducation, au marché du travail, à l’emploi, au politique, à la culture et au social, et expliquent, d’autre part, les logiques et les stratégies que les jeunes Africains développent pour faire face aux défis que posent leurs conditions de vie. Sans aucun doute, la jeunesse représente une des principales forces sociales qui ­travaillent l’Afrique subsaharienne en mutation.

Table des matières

  • Présentation : Multiples profils et pratiques sociales des jeunes en Afrique au sud du Sahara, Yao Assogba
  • Chapitre 1 : La jeunesse africa
    ine et le changement social,
    Abdoulaye Niang
  • Chapitre 2 : Jeunes et éducation en Afrique subsaharienne, Jean-Paul Mutombo
  • Chapitre 3 : Exclusion et pratiques d’insertion des jeunes urbains en Afrique subsaharienne, Yao Assogba
  • Chapitre 4 : Rêve d’ailleurs : la migration des jeunes Africains en formation universitaire, Abdoulaye Gueye
  • Chapitre 5 : L’emploi chez les jeunes Africaines. De l’invisibilité d’un phénomène à la promotion collective de la main-d’œuvre féminine, Lucie Fréchette et Rosalie Aduayi-Diop
  • Chapitre 6 : Les jeunes commerçantes de Dakar : continuité ou changement ? Hélène Bouchard
  • Chapitre 7 : Galérer, bricoler, partager, contester et rêver : figures de la précarité juvénile à Dakar, Mamadou Ndongo Dimé
  • Appendice : Planète Jeunes : dix ans d’expérience de presse, dix ans d’expérience des jeunes, Kidi Bebey