Fév 032008
 

Paris, Quai de Jemmapes (c) Yves Traynard 2008Quai de Jemmapes se dresse un vaste espace culturel(*) où résonne entre pas de danse, musique et débats passionnés, la polyphonie feutrée d’une exposition audiovisuelle intitulée Migrances africaines(**).
L’espace qui lui est consacré face au canal est minuscule et pourtant on peut facilement y passer trois heures sans s’y ennuyer, à découvrir dix portraits d’hommes et de femmes migrants sub-sahariens habitant en région parisienne. Des parcours singuliers qui se retrouvent autour d’une même interrogation sur ce qu’est l’origine, l’étincelle du départ, les attaches au pays, à l’histoire familiale et à l’histoire tout court. Des paroles dédramatisées, des vies riches et pleines, sans misérabilisme, à la fois ici et là-bas.
J’ai été frappé par la variété des imaginaires qui portent le projet migratoire. Un film noir et blanc de Jean Renoir pour Amadou, le souhait d’être guide à Versailles pour Angenik, un emploi, l’université pour apprendre et restituer au pays, la Tour Eiffel, la richesse… et pour revenir au sujet qui m’anime en ce moment, ces imaginaires sont aussi puissants que ceux qui animent les touristes qui leur sont contemporains et voyagent à contre-sens. Ils portent aussi souvent les mêmes quiproquos. Mais la comparaison s’arrête là. Le voyageur revient après un court séjour et passe à une autre destination. Le migrant reste et devient une catégorie à part dans son propre pays. Beaucoup dissimulent les difficultés de leur parcours non seulement à ceux restés au pays mais à leurs propres enfants. A l’inverse, le voyageur lui aura tendance à exagérer les difficultés de son séjour pour le transformer en aventure dont il est le héros.
Souhaitons que ce dispositif audiovisuel riche de sens trouve un prolongement à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration.


(*) Centre d’animation Jemmapes. 116, quai de Jemmapes, Paris 10e.
(**) Migrances Africaines. Exposition audiovisuelle retraçant des migrations d’hommes et de femmes d’Afrique sub-saharienne, qui habitent aujourd’hui les quartiers du nord-est parisien. Du 16 janvier 2008 au 3 février 2008. Galerie IMMIX, Espace Jemmapes, Paris 10ème. (**) Réalisation : Rapsode Production. Structure de production audiovisuelle indépendante qui s’investit dans la réflexion, la valorisation et la construction d’alternatives sociales, par la mise en commun de l’information et dans une perspective de regards croisés. Recherche historique : Mohammed Ouaddane (Trajectoires).