Fév 272007
 

Interview de Muhammad Yunus pour les Échos : Imaginons un monde sans pauvres !
Extraits :

  • Terrorisme, paix et pauvreté

Cela fait une quinzaine d’années que j’ai dit que la pauvreté constituait une menace pour la paix […] Le meilleur moyen de s’attaquer au terrorisme est donc de viser ses racines, qui toutes plongent dans un fort sentiment d’injustice. Une injustice qui peut être économique, politique, sociale, religieuse… ou même imaginaire

  • Le système financier et la mondialisation

Nous avons sans cesse soulevé des questions à propos du système financier, et affirmé qu’il était mauvais. Il rejette près des deux tiers de l’humanité.
Ce qui manque dans la mondialisation, c’est une autorité de régulation. Sans cela, les États-Unis et l’Europe rafleront tous les avantages, alors que la globalisation devrait être un phénomène « gagnant-gagnant ». On pourrait commencer par établir une structure au sein des Nations unies, édicter des règles approuvées par l’Assemblée générale et créer une autorité qui assurerait leur application, rapporterait à celle-ci, et garantirait la sauvegarde des intérêts des pays pauvres.

  • L’évolution du micro-crédit

Je pense à son institutionnalisation. Les banques ne sont pas impliquées dans le microcrédit, qui représente encore une « note en bas de page » du système financier. Pourquoi ne ferait-il pas partie de l’activité bancaire classique ? On pourrait ainsi aller dans n’importe quelle banque pour trouver des services de microcrédit, et non plus dans une ONG. Ce serait un progrès.

  • Le « social business »

[La Banque Mondiale] affirme travailler à l’élimination de la pauvreté dans le monde. Mais on ne voit rien. Je défends depuis longtemps l’idée qu’on définit de manière trop restrictive l’activité du secteur privé dans le système économique, en faisant du « business » uniquement une activité destinée à gagner de l’argent.

Il y a ainsi un autre type de business, où le profit n’entre pas en ligne de compte, où faire le bien devient « la » mission. Dans ces entreprises, les notions de pertes et de dividendes n’existent pas, car elles fonctionnent avec un objectif social. C’est le social business. Les investisseurs peuvent récupérer leur investissement, mais pas la plus-value, qui est automatiquement réinvestie. Dans les systèmes à base de charité, vous donnez de l’argent une année, et il faut en réinjecter l’année suivante. Le social business, lui, se finance tout seul.