Fév 152007
 
Paris, Rue Piat (c) Yves Traynard 2007Quel bonheur d’être en forme le soir et de pouvoir assister, reposé, attentif, l’esprit vif à des conférences, conseils de quartier, débats… Ça me change des fin de soirées au lion ! Et à Paris ce n’est pas les opportunités qui manquent. Il n’y a pas besoin d’aller loin. Ce soir, le Genre urbain(*), ma librairie préférée, rue de Belleville, organisait une rencontre avec Éric Charmes autour de son livre : La rue, village ou décor ?(**)
Extrait de la quatrième de couverture : « Ma rue, c’est un village », entend-on souvent. Si, après-guerre, on pouvait qualifier certains quartiers populaires de « villages urbains », cette référence semble aujourd’hui n’être qu’un fantasme. Ceux qui invoquent le plus la vie de village sont aussi ceux qui vivent le moins dans leur rue, pour eux simple décor valorisé par des immeubles de guingois, des cafés vieillots. L’auteur s’interroge sur la persistance de l’importance attribuée à la rue pour la vie de quartier. Le « retour à la rue », est un mouvement de la fin des années 1950 : face aux grands ensembles réputés inhumains, la rue incarnait l’urbanité. Aujourd’hui sa victoire n’a pas la forme attendue.
Pour conduire son travail universitaire Éric Charmes à interviewer les habitants du quartier de Belleville. Il a choisi les rues des Cascades et de l’Ermitage, particulièrement représentatives de ce mouvement de préservation du décor. Ses conclusions : depuis le POS de 77 la rue serait devenue simple décor et la « rue corridor » dénoncée par Le Corbusier où l’on ne fait que passer semble bien de retour. Au point de parler « d’amélipoulainisation » pour certaines opérations de rénovation.
Autre conclusion paradoxale, les immeubles que l’on a préservé se sont « gentrifiés » et ont vu leur vie de village s’étioler en absence de mixité sociale… tandis que les quartiers populaires installés dans les quartiers rasés puis reconstruits ont maintenu une vie de village sans le décor ! Dans les nouveaux quartiers, les gentrifieurs (artistes, cadres…) s’extasient : « j’habite un quartier sympa, animé à toute heure, un vrai village » mais mettent leurs enfants dans le privé dans d’autres quartiers. Chacun, se croise mais vit dans sa sphère sociale.
De conclure, si Belleville reste un quartier vivant, populaire, c’est uniquement en raison de la forte proportion de logements sociaux.


Paris, Jardin de Belleville (c) Yves Traynard 2007(*) Le genre urbain, 30 rue de Belleville.
(**) Éric Charmes, La rue, village ou décor ? Enquêtes sociologiques sur deux rues de Belleville. 128 pages, 50 illustrations en noir et blanc environ. Prix : 24 €. ISBN : 2-913610-66-8.