Déc 262006
 

Quelques voix dissonantes sur le micro-crédit.
Après avoir été encensée et parée de toutes les vertus – lutte contre la pauvreté, émancipation des femmes, démocratisation des sociétés civiles et de bien d’autres encore – la microfinance se trouve souvent aujourd’hui en position d’accusée. Sont donnés à voir des pauvres poussés à s’endetter, incapables de rembourser du fait de taux d’intérêts exorbitants, des femmes délaissées voire battues par leurs conjoints qui leur reprochent leur nouvelle liberté, ou encore des villages déstructurés à la suite de difficultés de remboursement.(*)
Le micro crédit est devenu le dernier credo à la mode en matière d’aide. Mais il est dangereux de croire, ou de faire croire, que grâce à lui, les problèmes de pauvreté et de sous-développement pourront être surmontés, comme il est dangereux d’en faire la nouvelle recette-miracle des ONG.(**)

Et la synthèse des limites de Midis du Sud(***) [extraits] :

  1. Les sommes consenties ne permettent pas le lancement de vraies activités de production : elles servent surtout à créer de petites activités de service, qui donnent un peu plus d’aisance financière à leurs promoteurs mais ne leur permettent pas de sortir de la pauvreté. Ainsi, les crédits inférieurs à 100 $US, accordés principalement aux femmes, ne créent que très rarement (moins de 3%) de petites entreprises ou de nouveaux emplois.
  2. Le microcrédit s’adresse assez peu aux « vrais pauvres », se trouvant souvent dans une situation d’échec ou de renoncement qui ne leur permet pas de saisir les opportunités offertes par le microcrédit. En outre, le microcrédit ne peut prouver son utilité que dans une société déjà diversifiée où il existe un réel pouvoir d’achat, sans quoi la majorité des bénéficiaires du microcrédit s’orienteront vers les mêmes activités (les bonnes idées plafonnent vite), réduisant de ce fait leurs chances de succès. Les populations cibles sont donc relativement restreintes.
  3. L’aide ne doit pas systématiquement être soumise aux conditions du marché, or c’est bien ce que propose implicitement la solution du microcrédit : une aide conditionnée qui fait entrer les pauvres dans un monde soumis à la loi du marché.
  4. Enfin, les taux de ces micro prêts sont généralement très élevés, seul moyen permettant d’assurer leur rentabilité pour les organismes prêteurs. Quant aux taux de remboursement, ils sont souvent très satisfaisants mais l’étude de la réalité démontre que le risque est étroitement lié à la qualité de l’appui et de l’encadrement des prêts. D’où l’existence de coûts de suivi importants. Et si la réussite des activités de microcrédit est liée au subventionnement de ces coûts, qu’en est-il de la pérennité et de l’appropriation du projet par les populations?

(*) Les limites de la microfinance et le rôle de la recherche, Isabelle Guerin, IRD, ADA DIALOGUE, N°35, décembre 2005. Institut de recherche pour le développement
et Institut Français de Pondichéry (Inde).
(**) Micro-crédit : fiction et réalité. Sylvie Brunel, Action Contre la Faim, La Guilde du Rais, Aventure n° 90, Automne 2000. Sylvie Brunel est conseillère stratégique d’Action Contre la Faim, professeur à l’Institut d’Etudes politiques de Paris et membre du Comité Editorial de la revue des Questions Humanitaires.

(***) Microcrédit : et vos rêves deviennent réalité ? Compte-rendu de débat, Louvain, 26 septembre 2006.