Juil 292006
 

Pour traquer la paresse intellectuelle que je sens poindre à l’horizon de ces longues journées de solitude je me rends à la bibliothèque du CCFM. J’y découvre un numéro fécond d’une revue littéraire libellée « Voyages en Afrique – de l’explorateur à l’expert »(*) qui s’interroge sur les manières de dire l’Afrique hier et aujourd’hui de la dimension idéologique d’autrefois aux révolutions que constituent la démocratisation du voyage, l’humanitaire et l’importance des flux migratoires.
La réflexion de Nathalie Carré «Guides touristiques : un discours ambigu» m’a, vous vous en doutez, directement interpellé. Ses constats :

  • Ce qui différencie les guides francophones ce n’est pas leur contenu mais le ton, en particulier pour le Guide du Routard et du Petit Futé (les guides anglo-saxons sont plus factuels).
  • Le guide touristique se rattache à la tradition de la compilation, mais
    – ne cite pas ses sources,
    – n’est rattaché à aucune autorité scientifique ou littéraire,
    – les guides font une large place au ON-dit dans le discours : mélange troublant d’affirmations péremptoires (voire atemporelles) et d’anecdotes (qui ont force de loi). Ex. à l ‘appui. « On dit souvent que l’Afrique de l’Est est pour les parcs nationaux et la faune ce que l’Afrique de l’Ouest est pour la culture et la gentillesse des hommes ».
  • L’accent est mis sur le typique ; le cliché n’est pas faux en soi mais réducteur.
    Le guide sur l’Afrique entretient deux mythes :
    – l’Authenticité : on y parle d’une« âme africaine », on y décerne des prix d’authenticité à certains peuples,
    – l’Aventure : le touriste c’est toujours l’autre. Le lecteur lui est un Voyageur avec une majuscule, avatar de l’Explorateur.

Elle n’hésite pas à avancer que la lecture des guides « nous en apprend certainement plus long sur nos sociétés que sur les pays que l’on se propose de visiter ». L’article est très intéressant et mériterait une approche plus large. Il est en effet assez difficile d’étudier les guides sans s’interroger sur le sens et la fonction du voyage aujourd’hui lorsqu’il se frotte à des sociétés en développement. Les expériences de tourisme alternatifs n’ont pour l’instant pas donné grand chose.
Plein d’autres articles passionnants dans cette livraison. « L’image du colonisé noir dans la chanson française » est signé Alain Ruscio que j’avais rencontré à la bibliothèque Couronnes(**).


(*) Voyages en Afrique- de l’explorateur à l’expert, Notre librairie (Revue des littératures du Sud publiée par l’adpf), n°153, janvier-mars 2004 . Le n°113 est consacré à la littérature du Mozambique. (téléchargements en ligne des derniers numéros)
Voir aussi l’inépuisable site de la BNF qui propose en téléchargement de nombreux documents anciens sur sa page Afrique.

(**) voir mon blog http://ytjournal.blogspot.com/2006/04/la-chanson-coloniale.html