Juil 082006
 

Maputo, appartement (c) Yves Traynard 2006Répartis sur trois étages les huit appartements de mon immeuble sont desservis par un escalier en ciment tapissé de petits carreaux qui pour moi datent la construction de la fin des années 60. Ca ressemble à de modestes logements pour petits fonctionnaires ou employés : deux chambres, un séjour et une salle de bain juste de quoi abriter une famille réduite sur 60 m². Dans mon appartement au premier étage, la porte poussée, c’est comme si rien n’avait changé depuis Salazar. Tout rappelle ses hôtes portugais. Le parquet d’abord si typique. Une véritable marqueterie d’essences rares auquel l’ébène donne sa note africaine. La description des parquets de Maputo tiendrait à peine dans un beau livre d’art tant la variété des motifs est riche et la qualité du travail exceptionnelle. Un vrai patrimoine. Et on me dit que certains indélicats les remplaceraient par du carrelage ! Les hauts plafonds ensuite censés absorber la chaleur et permettre aux pales des ventilateurs de tourner. On les cherche en vain, ils ont disparu. La salle de bain elle, a gardé sa longue baignoire ternie au point de ne jamais retrouver sa blancheur d’antan. Tout un symbole ! Le carrelage jauni se décolle. Le porte-savon en céramique bien scellé est ébréché. Il reste un robinet d’origine au lavabo qui craquèle. C’est celui de l’eau chaude qui s’est définitivement tarie un matin… Seule concession au siècle, on a placé un trône neuf dans le coin WC. La cuisine est à la mode coloniale. Une vaste hotte maçonnée absorbait les fumées d’un brasero ou d’une cuisinière à gaz à jamais disparue. Un meuble maçonné joue les garde-manger. Cette cuisine donne sur un balcon accessible par l’escalier de service. Là s’affairaient les petites bonnes africaines autour du feu et du lavoir en ciment. Le balcon, le vrai, se tient à l’ombre et donne sur la rue. On y accède par une de ces jolies portes acajou qui ont traversé les décennies sans se voiler. Le rare mobilier qui a subsisté dans le séjour est de bonne facture et du même bois. Un long meuble bas tient toute la longueur d’un mur. Une vitrine du même style avec miroir a conservé sa vaisselle qui ne dépareillerait pas à Clignancourt chez un spécialiste des années 60. Service à sirop peint aux pétales orange et jaune, collection de verres à Whisky, et enfin la pièce collector de l’appartement un service à café de facture portugaise inscrit : « Brinde de Vieira & Peres Lda, Lourenço Marques » que je répugne comme le reste à utiliser. Dans ce monde d’ombre et de souvenirs la peur des esprits chers à Mia Couto me gagnerait-elle ?