Juin 282006
 

Partant du principe que l’on ne pouvait être bien chez que si l’on connaissait ses voisins j’ai entrepris de me familiariser progressivement avec mon quartier, ce bout d’avenue Maguiguana au coeur de Maputo. Cette large rue (avenue fait franchement pompeux en français) est l’une des nombreuses artères qui traversent la ville d’est en ouest selon un quadrillage que n’auraient pas renié les légions romaines. Dans ce plan hippoddamien le decumanus serait l’avenue Mondlane et le cardo maximus l’avenue Olof Palme. Mais revenons à notre siècle. Ma rue possède le charme de ses femmes mûres dont on devine qu’elles ont du être belles jeunes. Y voisinent des immeubles de quatre étages et des villas coquettes sans être rupines. Depuis le départ des colons le sable a envahi la chaussée, les racines des flamboyants ont retourné les trottoirs et les façades ont perdu leur éclat ; une benne à ordure fume à l’angle d’une rue. Oui, elle a bien pris quelques rides mais a gagné en humanité grâce aux barracas. Les barracas c’est une institution à Maputo(*). Ces estaminets ressemblent aux stands de barbe à papa de nos fêtes foraines. Ces containers recyclés où l’on a découpé un comptoir pour en faire un auvent sont posés à même le trottoir ou dans la courette des immeubles. Elles sont rouge et blanc Coca ou ne sont pas. Le voisinage s’y retrouve pour vider une bière en regardant la télé debout ou assis sur une chaise de plastique. C’est un havre de convivialité dans la nuit noire et dangereuse de la capitale. J’ai le choix entre quatre barracas dans un rayon de 50 m ! A chacune sa clientèle. En face de chez moi il y a celle des ados roucouleurs qui passe du R&B; à tue-tête. La mienne, installée dans la cour de Farida ma logeuse, est plus familiale. La tenancière est jeunette et coquine mais ne s’en laisse pas compter pour autant. Elle vit de son petit commerce et son air boudeur entretient la clientèle. La barraca c’est l’ultime dépannage. On peut y grignoter un hamburger, emporter une boîte de thon ou une bouteille d’eau lorsque tout est fermé. En tout cas c’est l’endroit idéal pour papoter en portugais et mettre en pratique les acquis du jour. A ce propos j’ai bénéficié pour la première fois aujourd’hui des enseignements du prof de l’institution – excellent pédagogue – qui m’a fait un cours de grammaire. Articles définis, indéfinis, pronoms, contractions… C’est évidemment plus efficace que ma méthode en 40 leçons et plus motivant.
Au rayon des mauvaises nouvelles un employé s’est absenté précipitamment dans la journée. Son appartement venait d’être dévalisé. Inutile de parler de série noire c’est tout simplement le quotidien ici.



(*) A ne pas confondre avec le quiosque qui lui n’a pas la licence d’alcool.